La saison a repris en Colombie et malheureusement ce qu’il se passe en coulisses a pris beaucoup plus d’importance que le terrain. Bagarre entre supporters, menaces de mort sur un président, ce sera long jusqu’en décembre.

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Il y avait eu des signes avant-coureurs. Junior et l’América ont pris la porte en Sudamericana et dès juillet, l’aventure continentale s’est arrêtée en Colombie pour cette année 2021. Un nouvel affront, un de plus qui montre clairement que le niveau du championnat se dirige plus vers le bas que le haut. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y a pas vraiment d’espoir que ça s’améliore dans les prochaines années. Sans Copa América prévue, on attendait donc de savoir ce que les dirigeants des clubs allaient prévoir comme système sur ce deuxième semestre. Avec le retour du public dans les stades ils sont revenus à un format qui fait la part belle à la quantité. Vingt journées, avec retour de la journée de clásicos, puis quadrangulaire, deux groupes de quatre avec les deux premiers de chaque groupe qui s’affrontent en finale aller-retour. Soit vingt-huit matches de championnat en cinq mois pour les deux finalistes, plus les matches de coupe en aller-retour également. Tout est fait donc pour les mettre dans les meilleurs conditions…

Chaos en coulisses

Mais avant même le début de la situation, le football colombien est entré en crise. En cause un conflit vieux de dix ans autour de l’actuel buteur de Millonarios, Fernando Uribe. L’Atlético Nacional avait recruté le joueur en 2012 en provenance du Chievo Vérone, avait alors partagé les droits économiques avec Cortuluá et tablé sur une vente de dix millions de dollars. La moitié de cette somme n’a jamais été versée à Cortuluá. Ce dernier, actuellement en deuxième division, avait alors sollicité et obtenu le versement de cette somme devant la Comisión del Estatuto del Jugador de la Dimayor et devant celle de la Fédération Colombienne de football. L’Atlético Nacional avait alors porté le cas devant le Tribunal Arbitral du Sport qui avait donné raison au club de Medellín. Cortuluá a porté cette affaire devant le Tribunal Fédéral Suisse qui a définitivement tranché et déjugé le TAS. Battu dans les tribunaux l’Atlético Nacional s’est toujours refusé à payer la moitié de la somme initialement prévue. Concrètement d’un part cette décision empêche l’Atlético Nacional d’inscrire ses recrues (Felipe Aguilar, Dorlan Pabón, deux internationaux pour ne citer qu’eux) et d’autre part ça l’expose tout simplement à une désaffiliation de la DIMAYOR, rien que ça. Évidemment cette situation ne plait guère aux supporters du club verdolaga qui ont menacé de mort Óscar Martán, le président de Cortuluá. Des menaces suffisamment graves pour faire réagir la DIMAYOR qui a été obligée de sortir du bois et dénoncer ces menaces. Les recrues ont essayé de faire valoir leur droit d’exercer leur travail auprès de la justice, mais elles ont été déboutées les unes après les autres. Cette affaire est suffisamment grave et la FIFA pourrait rapidement s’en mêler.

Rayon tribunal, le football colombien pourrait prendre une carte fidélité. La DIMAYOR pourrait rapidement se trouver devant les tribunaux aux États-Unis. En cause la rupture de contrat des droits internationaux vendus soixante millions pour dix ans par l’ancien président Jorge Enrique Vélez à la société Latin America Equity Sports. Contrat rompu par la nouvelle direction. Le représentant juridique de LAES a déjà annoncé que s’il ne trouvait pas d’accord avec la DIMAYOR, il irait devant la cour de New-York, soutenu par un fonds de pension prêt à acheter ce litige juridique. La cour de New-York qui pourrait donc regarder de plus près les comptes de l’entité qui gère le football professionnel colombien, ce qui ne lui ferait certainement pas plaisir.

Dompter l’anarchie

Côté tribune la bonne nouvelle c’est que les supporters seront de retour au stade ce semestre. La mauvaise c’est que dans les stades de la capitale il n’y en aura pas jusqu’à nouvel ordre. En cause l’affrontement immense entre les barras de Santa Fe et de l’Atlético Nacional cette semaine au sein de l’enceinte. Les barras de l’Atlético Nacional sont entrés dans la tribune famille de Santa Fe et ont blessé grièvement un supporter. Les barras de Santa Fe ont traversé tout le terrain pour faire un contre-feu, ce qui a logiquement entrainé une grosse bagarre. Pas la première alors que lors des matchs d’exhibition aux États-Unis, les barras de l’América, de Millonarios et de l’Atlético Nacional ont été impliqués dans des affrontements également. Tout va bien dans le meilleur des mondes…

Côté terrain, rythme intensif donc entre coupe et championnat et fortunes diverses. Finaliste malheureux, Millonarios a réussi un départ parfait. Son effectif a peu bougé, Arango est parti en MLS, seul départ majeur, et côté arrivée le club pourra compter sur le retour de Felipe Román. Le joueur qui n’a pas passé la visite médicale à Boca a réalisé des examens complémentaires qui n’ont décelé aucun problème et les autorités médicales ont donc autorisé son retour. Si son calendrier était plutôt « facile » avec deux déplacements en altitude et la réception d’un promu, la dynamique est toujours là et le club fait déjà office de grand favori pour le titre.

Derrière, l’équipe surprise de ce début de saison c’est Bucaramanga. Sans entraineur après le départ de Luis Fernando Suárez parti diriger le Costa Rica, le club a su parfaitement digéré ce départ pour enchainer trois victoires, contre Santa Fe à la maison et sur la pelouse du Deportivo Cali rien que ça. Sans ses recrues donc l’Atlético Nacional n’a pas raté son départ. Il y a eu certes ce match nul inaugural, mais le double vainqueur de la Libertadores a réussi à vaincre sa bête noire, le Deportes Tolima (dans un match riche en polémiques arbitrales) avant d’enchainer contre Santa Fe. Départ mitigé pour l’América qui avait commencé par deux belles victoires, dont une à la maison contre Junior, avant de s’écrouler sur la pelouse du modeste Envigado.

Départ plus difficile pour le champion en titre, le Deportes Tolima. Une victoire plus que poussive à la maison contre Pereira, candidat à la descente, et nul concédé dans les derniers instants contre l’Alianza Petrolera. Avec une victoire, un nul et une défaite, le club d’bagué pourra néanmoins compter sur le retour de Jaminton Campaz après avoir été convoqué pour la Copa América. Départ très moyen aussi pour le Deportivo Cali. Malgré une victoire inaugurale, il a enchainé deux grosses contre-performances à la maison, un nul contre le DIM et donc la défaite contre Bucaramanga. Pas de quoi faire baisser la tension. Dans ce wagon on retrouve également Junior. Éternellement sur la sellette, Luis Amaranto Perea est toujours là, au contraire de Téo et de Miguel Borja, tous les deux partis. Logiquement offensivement le club de Barranquilla ne produit presque rien, et s’en est miraculeusement sorti à la maison contre Envigado avec un but en toute fin de match.

Enfin, départ complètement raté pour Santa Fe, dernier avec trois défaites et surtout qui ne montre rien. Harold Rivera est en pôle pour être le premier coach à sauter ce semestre, même si ses recrues offensives arrivées notamment du Panamá lui sauvent la mise, défensivement cette équipe semble en panique à chaque fois que son adversaire traverse la ligne médiane. Avec sept buts encaissés en trois matches, c’est la pire défense. Pas de quoi se rassurer avant le gros match qui arrive ce week-end. Pour terminer sur une note positive, le calendrier offre un week-end avec les premières grosses affiches de la saison. Clásico capitalino samedi soir entre Millos et Santa Fe. Dans l’après-midi un Nacional/Cali pourrait lui aussi offrir un beau spectacle. Enfin match des diesels dimanche entre Junior et le Deportes Tolima. Junior qui pourrait finir par perdre patience avec son coach.  

Pierre Gerbeaud
Pierre Gerbeaud
Rédacteur Colombie pour Lucarne Opposée