Près de trois mois après l’incroyable épilogue de l’édition 2018, ils sont de nouveau trente-deux à se présenter sur la ligne de départ de la plus prestigieuse de toutes les compétitions. Avec un seul et même objectif, celui de décrocher le Graal. Une mission qui n’est évidemment pas à la portée de tous. Guide de la Copa Libertadores 2019.
2018 avait finalement déjà donné un avant-goût, poussant le vice jusqu’à l’exil loin du continent, 2019 sera marqué par une grande nouveauté en Amérique du Sud : les finales de Libertadores et Sudamericana se joueront sur terrain neutre (Santiago pour la première, Lima pour la seconde) et en un match sec. Une hérésie quand on sait à quel point la notion de domicile est importante en Amérique du Sud, une volonté toujours aussi présente des instances de courir après le Vieux Continent. Quoi qu’il en soit, c’est à peu près la seule grande modification à prévoir cette saison. Pour le reste, ils sont toujours trente-deux en phase de groupe, douze venant d’Argentine et du Brésil (les deux géants comptaient même quinze représentants sur quarante-sept inscrits en incluant les phases de qualifications, les autres pays du continent luttant comme ils peuvent pour décrocher l’un des dix-neuf tickets restants. Avec sept Brésiliens donc, six Argentins, trois Péruviens, trois Paraguayens, trois Chiliens, deux pour chacun des cinq autres pays, on est en droit de croire que les deux ogres sont prêts à se retrouver entre eux dans les tours finaux. Reste que quelques outsiders peuvent véritablement avoir leur mot à dire. Le point groupe par groupe.

À tout seigneur, tout honneur, le Groupe A est celui du tenant du titre River Plate. Une fois n’est pas coutume, le Millo n’a pas subi de profonde saignée qui le contraint à aborder la phase de groupes alors qu’il est en phase de reconstruction. Certes deux hommes forts sont partis : l’une des âmes de l’équipe, Jonathan Maidana et l’un de ses plus grands talents, Gonzalo Pity Martínez, élu joueur de l’année 2018. Un troisième a été contraint de stopper sa carrière, un homme fort du vestiaires, Rodrigo Mora. Reste que sur le papier, River ne s’est en rien affaibli. D’une part car el Muñeco Gallardo a donné les clés du camion à un JuanFer Quintero enfin arrivé sur une autre planète, Matías Suárez est arrivé pour apporter un mélange d’expérience et de profondeur supplémentaire à l’armada offensive et enfin Robert Rojas, grande promesse paraguayenne en défense, est venue muscler cet aspect. Ayant décroché la gloire éternelle à Madrid, River n’est pas parti pour s’arrêter en si bon chemin. Après un classement à remonter en championnat, le groupe de Gallardo pourra ensuite gérer sa campagne de Libertadores et viser un nouveau titre continental, le cinquième en Libertadores, le troisième pour l’entraîneur le plus titré de l’histoire du club. Il est clairement l’un des grands favoris.
Il faudra cependant faire attention à l’une des équipes qui aurait tant aimé se présenter en Monumental il y a quatre ans, privée de ce privilège par des Tigres commandés par André-Pierre Gignac : l’Internacional. Après une saison au purgatoire, le Colorado est revenu très fort en Serie A brésilienne jusqu’à se hisser sur le podium du Brasileirão. Le groupe d’Odair Hellmann (adjoint de Rogério Micale lors du titre aux JO de 2016) dispose d’un potentiel offensif impressionnant puisque les rouges de Porto Alegre se permettent même d’écarter Jonathan Álvez. Il faut dire qu’avec Nico López, le futur retour de Paolo Guerrero, des profils tels que Santiago Tréllez, Neilton ou William Pottker et l’expérience de Rafael Sóbis ou de la légende Andrés D’Alessandro. Avec derrière eux des joueurs tels que l’excellent Rodrigo Dourado au milieu ou le roc Victor Cuesta en défense, cette équipe dispose d’un certain équilibre qui peut l’emmener à venir perturber River Plate.
Quelle place reste-t-il pour les deux autres membres du groupe ? Pour l’Alianza Lima, le premier match, face à River, risque de tout conditionner. Le groupe de Pablo Bengoechea avait acquis quelques belles certitudes, se hissant en finale du championnat l’an passé, l’Uruguayen parti, Miguel Ángel Russo, vainqueur de la Libertadores lorsqu’il dirigeait le Boca de Riquelme en 2007, va pouvoir s’appuyer dessus. Lorsqu’on ajoute à cela une jolie campagne de recrutement symbolisée notamment par les arrivées de deux internationaux, Wilder Cartagena et Pedro Gallese, les Blanquiazules peuvent clairement prétendre à lutter pour la troisième place, ou plus si affinités. Il faut dire que face à eux se dresse un Palestino qui a déjà gagné sa Libertadores. Le Tino sort de deux tours de qualification gérés avec le cœur : une séance de tirs au but face au DIM, deux matchs retournés face à Talleres. Attention tout de même à prendre Palestino pour une simple équipe de guerriers et d’en oublier ses qualités. Car le groupe d’Ivo Basay en dispose de multiples : l’expérience et la sérénité de joueurs comme Diego Rosende, Agustín Farías ou encore César Cortés au milieu, la finesse technique du Mago Luis Jiménez, le sens du but du Pájaro Gutiérrez et le talents des latéraux Brayan Véjar à gauche et Guillermo Cafu Soto à droite. Bref, largement de quoi faire des Árabes, qui n’ont finalement pas grand-chose à perdre, un trouble-fête idéal.

Sera-t-il possible de venir perturber la marche triomphale annoncée de Cruzeiro dans le Groupe B ? Telle est la grande question. Car derrière la Raposa, si deux équipe semblent en mesure d’y parvenir, elles ne semblent tout de même pas armées pour ne pouvoir espérer mieux que lutter pour la deuxième place. Première des deux, Huracán. Le Globo a rapatrié el Turco Mohamed sur le banc pour succéder à Gustavo Alfaro parti à Boca alors qu’il avait réalisé une grande première moitié de championnat avec le club (deux défaites en quatorze journées de championnat), et doit désormais reconstruire. Certes on ne part pas de rien du côté de Parque Patricios, d’autant que du côté des recrues, les arrivées d’Anthony Silva dans les buts et de l’immortel Lucas Barrios devant, ne sont pas de simples détails, mais la machine a du mal à se mettre en route, l’unique victoire en sept sorties en 2019 en attestant. Le souci pour le Globo est qu’il ne dispose d’aucun temps et va devoir commencer par accueillir l’archi favori Cruzeiro avant de se rendre à Guayaquil en deuxième journée.
Un Emelec qui dispose lui aussi de bien des arguments. Un entraîneur de grande qualité, Mariano Soso et un effectif musclé par des renforts de choix, à commencer par l’ancien duo d’Independiente del Valle, Gabriel Cortez – Bryan Cabezas. Le tout au sein d’une équipe dans laquelle figurent des offensifs tels que Marcos Mondaini ou l’excellent Brayan Angulo et plusieurs joueurs d’expérience comme le superbe Juan Carlos Paredes qui va comme toujours dynamiter son couloir droit, les légendes que sont Pedro Quiñónez, Óscar Bagüí et Esteban Dreer, il y a un bel équilibre entre expérience, folie, sagesse et jeunesse dans ce groupe qui font d’Emelec un prétendant clair à la qualification. Surtout dans un tel groupe. Car le dernier larron se nomme Deportivo Lara. Certes il ne sera clairement pas facile de se déplacer au Venezuela, ne serait-ce que par les difficultés logistiques que pose la crise dans laquelle le pays est plongé, mais aussi parce que le Depor est redoutable chez lui, il l’a prouvé l’an passé en s’offrant Independiente et Millonarios (avant de prendre cher face au Corinthians). Mais en déplacement, cela risque d’être plus compliqué pour le petit poucet du groupe, un petit poucet qui n’a jamais fait trembler les filets hors de ses bases la saison dernière. Emelec et Huracán peuvent laisser ses points sur leur chemin face à Lara, qui aurait alors plus qu’un rôle d’arbitre à jouer.
Reste donc que le grand favori du groupe B se nomme Cruzeiro. La Raposa de Mano Menezes s’est hissée en quarts de finale l’an passé, sorti par Boca, elle a perdu gros avec le départ de De Arrascaeta, mais elle reste solidement armée pour planer sur son groupe. Le duo Lucas Silva – Thiago Neves sera encore présent (ce dernier est en phase de reprise), Fred va enfin pouvoir disputer une vraie saison après une année 2018 minée par une longue blessure, Sassá devrait encore faire mal à bien des défenses, l’effectif est riche au milieu avec des joueurs tels que Henrique, Lucas Romero, riche en expérience derrière avec Leo, Egidio ou encore Dedé. Bref, ce Cruzeiro s’annonce dans la lignée du précédent, largement capable de sortir aisément de son groupe, il n’avait guère souffert l’an passé pour finir devant le Racing avec notamment un historique 7-0 face à la U. Et devrait même envisager un parcours similaire une fois le tour final abordé.

Et si la grande surprise de la Libertadores 2019 venait du groupe C ? De prime abord, les non-initiés auraient du mal à voir un réel outsider dans un groupe comprenant un Paraguayen, un Péruvien, un Chilien et un Argentin sans réelle expérience continentale. C’est seulement en regardant de plus près qu’un candidat se détache d’abord par son ADN continental, ensuite par son groupe 2019. Ce candidat est Olimpia. Il y a quarante ans, le Decano du football paraguayen décrochait la première de ses trois Copa Libertadores, précédant de quelques mois la deuxième et dernière couronne en Copa América de la sélection (lire 1979, la folle année du Paraguay). Après avoir totalement écrasé le football paraguayen en 2018, les hommes de Daniel Garnero n’ont désormais qu’une seule obsession, celle d’aller chercher la quatrième couronne l’année des quarante ans. Un défi loin d’être impossible pour le finaliste 2013 qui a davantage musclé un groupe déjà des plus solides. Alcaraz et Maxi Olivera arrivent en défense, Ale Silva, Tabaré Viudez, Willian Candia et Rodrigo Rojas viennent densifier et apporter de la créativité au milieu, Brian Montenegro se pose au club. Le tout emmené par les anciens que sont la légende Roque Santa Cruz, l’hyper actif Julián Benítez, le pilier Richard Ortiz, deux gardiens de très haut niveau, Alfredo Aguilar et Librado Azcona, Olimpia a tout de l’épouvantail, l’équipe qu’il ne fera pas bon croiser sur sa route.
La chance du Decano est de tomber dans un groupe largement à sa portée. Non pas que les trois autres larrons n’ont pas de qualités, bien au contraire, mais pour certains, manquent d’expérience continentale ou vivent une période délicate. C’est le cas notamment de Godoy Cruz. Le Tomba avait fait un bon parcours en 2017 pour sa troisième participation à l’épreuve (élimination en huitièmes de finale par le futur vainqueur Grêmio), il sortait d’une bonne année 2018 au pays (deuxième du championnat à deux points de Boca, meilleure performance de son histoire). Mais depuis, le ressort s’est cassé. Lucas Bernardi vient tout juste d’arriver à la tête du club qui, à quatre journées de la fin du tournoi argentin tente de s’accrocher comme il le peut au wagon des qualifiables pour la prochaine Sudamericana. Godoy Cruz ne manque pas de qualités individuelles, à commencer par sa machine à but Santiago el Morro García, le souci est qu’il découvre son nouveau coach à quelques heures du début de la phase de groupes, ne sait même pas s’il pourra compter sur lui sur le banc alors que l’adversaire se nomme Olimpia et surtout, on peut en être quasiment assuré, devrait perdre ses derniers meilleurs éléments dans quelques semaines, une fois le championnat terminé. Cette instabilité laisse des chances et des espoirs aux deux autres membres du groupe qui disposent de quelques certitudes pour venir lutter pour une place au tour suivant.
Si le Sporting Cristal a perdu Mario Salas et Gabriel Costa, tous deux partis au Chili briller avec Colo-Colo, la Celeste conserve bien des arguments. Emanuel Herrera, l’homme des records l’an passé en championnat et qui a grandement contribué au titre est toujours là, il est rejoint par l’excellent Christofer Gonzales qui vient densifier le milieu et pourra encadrer les jeunes pousses du centre qui alimentent les sélections de jeunes au Pérou. Le tout encadré par Claudio Vivas, ancien adjoint de Marcelo Bielsa (à Newell’s, Atlas, Vélez, Bilbao et en sélection), il y a de quoi se montrer compétitif du côté de Cristal. Le jeu, c’est aussi la clé pour Universidad de Concepción. Longtemps engagé dans la course au titre l’an passé, le Campanil de Francisco Bozán fait partie de ces belles équipes du championnat. À ses certitudes collectives, et dans l’optique de mener de front championnat et Libertadores, le club a choisi de densifier son effectif : Alexis Rolín et Germán Voboril viennent en défense, Josepmir Ballón et Nico Maturana au milieu, Pato Rubio et ses qualités de buteur devant, Avec un premier match à la maison face à Cristal pour initier de la meilleure des façons la campagne 2019, l’expérience douloureuse de la saison passée comme base à ne pas reproduire (élimination d’entrée par Vasco), la U de Conce peut nourrir quelques ambitions pour sa troisième participation dans l’épreuve. Et espérer ainsi confirmer en résultats ses belles performances dans le jeu.

Trois anciens vainqueurs et un Bolivien évoluant en altitude. Si vous cherchez un groupe à accidents, le Groupe D est un bon candidat. Dans ses rangs, deux géants de leur pays en quête d’un glorieux passé qu’ils aimeraient retrouver au moins un temps, et un géant équatorien de retour au premier plan. Premier historique du continent, Peñarol et ses cinq Libertadores. Certes les Carboneros ont disputé une finale dans ce que l’on appelle l’ère moderne (sans bien savoir ce à quoi cela correspond), mais la gloire est désormais ancienne, sa quête rendue plus compliquée depuis que les contraintes économiques ne pèsent pas autant sur certains voisins que sur le club. Ces contraintes, Peñarol s’en est peut-être quelque peu affranchi cette saison puisque le club champion d’Uruguay a réussi à conserver en très grande partie son effectif. Certes le départ de Maxi Rodríguez peut être dommageable mais pour le reste, le groupe de Diego López est quasi identique à celui de l’an passé et peut donc s’appuyer sur un travail sur le long terme, chose rare en Uruguay. De là à envisager l’avenir avec optimisme ? Il faudra déjà pour cela ne pas se rater d’entrée, fâcheuse habitude du club aurinegro (0-1 à La Paz face à The Strongest l’an passé, 2-6 à Cochabamba face à Wilstermann en 2017, 1-1 à Lima face à Cristal en 2016), histoire de ne pas avoir à courir après des points perdus.
Manque de chance une fois encore pour Peñarol, le match d’ouverture se fera en altitude face à un géant continental : la Liga de Quito. Pour revenir, la LDU a fait appel à un homme, un bâtisseur qui a déjà porté Independiente del Valle en finale de Libertadores, Pablo Repetto. Bilan, la LDU s’est adjugée la Primera Etapa et a remporté la finale face à Emelec. Sur le terrain, les Albos disposent d’armes capables de causer bien des dégâts. Devant ils peuvent miser sur la vitesse et la percussion des frères Julio, le point d’ancrage qu’est Anangonó avec en backup Rodrigo Aguirre, reposent sur un équilibre au milieu donné notamment par le duo Intriago-Orejuela et possèdent une grande expérience derrière avec des Pellerano, Salaberrey et autre Gabbarini dans les buts. Un vrai profil d’outsider conféré en plus par un Rodrigo Paz Delgado (Casa Blanca pour les intimes) redevenu forteresse quasi imprenable (une défaite lors des trente-et-une dernières sorties).
Manque de chance aussi pour Peñarol, la présence d’un Brésilien qui n’a rien d’un petit candidat : Flamengo. Après la Sudamericana perdue en finale en 2017, l’élimination quelque peu surprise l’an passé en Libertadores par Cruzeiro après avoir parfaitement géré sa phase de groupes derrière le futur champion River Plate, le Mengão, dauphin de Palmeiras en championnat, commence à en avoir quelque peu assez des places d’honneur et poursuit toujours sa quête effrénée de titres. Pour cela, il continue de se muscler en signant un mercato assez fou, symbole de la puissance des clubs brésiliens sur le continent. Gabigol, Bruno Henrique et De Arrascaeta arrivent devant, ils compensent évidemment le départ de Lucas Paquetá, Rodrigo Caio se pose en défense, Diego et Willam Arão prolongent. Avec Abel Braga qui s’installe sur un banc qu’il avait occupé il y a quinze ans, ce Mengão a de quoi nourrir bien des ambitions et s’annonce non seulement comme le favori du groupe mais aussi l’un des sérieux candidats au titre suprême. À la condition de ne pas se rater dans les moments clés.
Quelles chances restent-il donc à San José dans un tel groupe ? Vainqueur du Clausura bolivien l’an passé, le club d’Oruro va évidemment pouvoir compter sur l’altitude lorsqu’il va accueillir Peñarol et Flamengo, mais se retrouve à aborder la Libertadores avec une équipe à reconstruire. Eduardo Villegas est parti prendre les rênes de la sélection, Mario Cuéllar (Oriente Petrolero), Víctor Hugo Melgar (Wilstermann) et le buteur Jair Reinoso (The Strongest), trois éléments clés du succès lors de l’Apertura, sont partis. Les arrivées de Yasmani Duk et de Cristián Alessandrini offrent des atouts intéressants offensivement pour venir épauler Javier Sanguinetti mais les certitudes sont peu nombreuses pour le Santo et la complexité annoncée du groupe ne laisse augurer rien d’étincelant, d’autant que l’espoir d’une lutte pour la troisième place n’offre aucun candidat à sa portée et que le premier tiers d’Apertura est assez moyen.



