Avant de se rendre à Buenos Aires pour défier le tenant du titre, Palestino inaugurait sa phase de groupes de la Libertadores 2019 par l’accueil d’un double champion. Reportage au pied des Andes.

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Le club familial du Palestino, basé à Santiago s’est qualifié aux deux tours précédents avec le statut d’outsider et c’est aussi avec ce statut qu’il se retrouve dans le groupe A de la Copa Libertadores car il y affrontera trois géants de leur pays, à savoir l’Internacional de Porto Alegre (double vainqueur de la compétition), River Plate (quadruple vainqueur et champion en titre) et l’Alianza Lima du Pérou. Ce n’est que la cinquième participation du club à la phase de groupe, il fait donc figure de tout petit poucet dans ce groupe. Pour les lecteurs de Lucarne Opposée, inutile de présenter en détail le Palestino, mais on peut rappeler que c’est le club de la communauté palestinienne au Chili (la 1ère au monde en nombre hors pays arabes). Pour les autres, on vous dirige vers l'article qui lui est consacré.

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Rendez-vous pour cette première journée au Stade San Carlos de Apoquindo, à l’extrémité Nord-Est de Santiago dans l’antre de l’Universidad Católica. Car oui, le Palestino ne jouera pas son match de Libertadores dans son stade habituel (le stade de la Cisterna dans le Sud de la ville) car plus petit mais sûrement aussi trop peu vendeur pour les images télé pour la CONMEBOL. Peu importe, c’est un très joli stade au pied des Andes, magnifique en ces dernières journées estivales avec coucher de soleil en prime sur les montagnes. Le stade est tout aux couleurs de la Católica (normal, ils en sont propriétaires) et donc tous les références au club (enfin surtout les logos et sponsors) ont été masqués soit par du scotch ou des tissus noirs. Toutes les références plus ou moins visibles ont été remplacées en tribunes par des drapeaux palestiniens, des maillots aux couleurs du club, des keffiehs (oui, oui). Mais le plus impressionnant qui donne vraiment l’ampleur du Palestino en tant que représentant d’une communauté toute entière, est ce drapeau de la Palestine flottant au-dessus du tableau d’affichage aux côtés de celui du Chili et du logo de la Libertadores. Mais ça ne s’arrête pas là.

Despacito version arabe et samba pour l’avant-match

La bande-son est aussi là pour rappeler l’attachement à la Palestine ou plus globalement au monde arabe. Je suis accueilli par une version de Despacito assez spéciale, puisque c’est la version arabe qui sort des enceintes du stade, suivi par d’autres morceaux mêlant reggaeton à des rythmes arabes, ou des chansons entièrement en arabe. Très dépaysant. Heureusement l’hymne du club est bien en espagnol et me ramène à la réalité chilienne et me sort de mon court voyage au Moyen-Orient le temps de quelques chansons orientales. Il faut aussi regarder le sponsor « Bank of Palestina » alors qu’aux dernières nouvelles ils n’avaient toujours aucune activité commerciale sur le sol chilien (heureusement la bureaucratie du fair-play financier n’existe pas au sein de la CONMEBOL). Mais ce n’est pas tout, puisque le speaker du stade au moment de présenter le match salue les territoires palestiniens, en les énumérant allant jusqu’à citer les camps de réfugiés. Ce même speaker aura aussi salué les supporters de Talleres venus la semaine auparavant pour leur comportement exemplaire et les cadeaux laissés au club, et ce malgré l’élimination. Bel image de fair-play des deux côtés à l’heure où les conflits entre supporters adverses sont beaucoup plus mis en avant par les médias de masse que les comportements cordiaux et sincères.

Avant de passer au match, il est intéressant de revenir sur l’accueil de la presse par le Palestino, qui montre le peu d’habitude à jouer des compétitions continentales en comparaison du côté super pro de l’Internacional. Pendant que la presse s’installait, l’attaché de presse de l’Inter est venu nous distribuer leur propre feuille de match, avec les seuls joueurs et staff de leur équipe, très complète. Chose surprenante car jusque-là aucun document ne nous avait été distribué par le club receveur. Ce n’est que quelques minutes plus tard que l’assistante presse du Tino vient nous voir un par un en nous montrant une feuille à la main, c’était la feuille de match officielle distribuée par la CONMEBOL. Elle nous a par contre demandé de la prendre en photo, car elle n’en avait qu’un seul exemplaire (!) nous disant que c’était la seule fournie par la CONMEBOL (!!). Chose assez inhabituelle, il n’est venu à l’idée ni au Palestino, ni à la CONMEBOL d’en imprimer plusieurs ou au pire, d’en photocopier. Le club brésilien paraissait même bien mieux organisé que sa propre confédération.

Dernier point à préciser concernant le contexte du match, c’est aussi l’occasion pour les deux clubs de rendre hommage à Elías Figueroa, le grand défenseur chilien des années soixante-dix (par beaucoup considéré comme le plus grand joueur chilien de tous les temps), idole absolue de l’Inter et ayant joué (et ayant été champion) avec le Palestino. Un hommage lui sera d’ailleurs rendu par le speaker du stade en diffusant la samba « Patrão da area »  (le Patron de la surface en VF), composée en l’honneur du joueur à Porto Alegre. À noter enfin la présence dans le parcage visiteur d’une centaine de supporters de l’Inter (les places étaient en vente libre pour le parcage, c’était déjà le cas pour le match contre Tallerres).

D’Alessandro et Sobis sur le banc, le Tino au complet

Concernant les compos, pour l’Inter pas de Paolo Guerrero, toujours suspendu (sa suspension se terminant en avril), mais D’Alessandro et Rafael Sóbis (déjà double vainqueur de la Libertadores avec l’Inter en 2006 et 2010) sur la feuille de match mais ce soir-là sur le banc. À noter le faux air de Pavard du capitaine du Colorado, le milieu brésilien Rodrigo Dourado, ce qu’un jeune supporter derrière moi remarquera. Côté Árabes (le surnom des joueurs du Tino), effectif au complet avec la présence du Mago Jiménez, l’ancien de l’Inter, revenu dans son club formateur en août dernier, mais aussi des expérimentés Luis Jorquera ou du Pájaro Gutiérrez en attaque.

C’est toujours sans chronomètre sur le tableau d’affichage (une habitude au Chili) que le match commence dans une ambiance familiale et bon enfant. La première offensive est à mettre au profit du Tino, dès la première minute qui finit par une situation litigieuse, le penalty étant réclamé par el Pájaro Gutierrez mais pas obtenu. Le ton est donné, les locaux n’ont pas peur du géant brésilien et ne se laisseront pas faire. En effet, ils mettent du rythme et de l’intensité. C’est encore les locaux, qui à la dixième minute, marquent un but par Passerini, finalement refusé pour un hors-jeu effectif. Les deux équipes semblent s’observer, l’Inter ne parait pas pressé de marquer et ne semble pas montrer sa supériorité en cette première mi-temps. Les Brésiliens semblent d’ailleurs plutôt attendre pour jouer le contre. Finalement une grosse occasion pour l’Inter arrive à la 22ème minute, mais personne n’est là pour reprendre le centre. 33ème minute nouvelle occasion pour l’Inter, mais Nacho González se couche rapidement pour la sortir. Puis à la 36ème et 37ème double occasion pour les locaux, d’abord Jorquera qui frappe de l’extérieur de la surface puis Gutiérrez de la tête, les deux fois bien repoussé par Marcelo Lomba. C’est pour l’instant deux bons matchs des deux gardiens qui empêchent l’ouverture du score. Les deux équipes rejoignent les vestiaires à la mi-temps sur un score vierge. Le Palestino semble plus volontaire et aurait pu mener au score, l’Inter plus attentiste et ne semble pas mettre énormément d’intensité.

Une grosse erreur défensive que les locaux payent cash

La seconde période commence encore une fois avec un Palestino jouant encore plus haut, s’exposant encore plus aux contres et qui se procure la première occasion bien captée par le gardien. Puis les Brésiliens semblent augmenter le rythme et vouloir plus profiter de l’espace dans le dos de la défense adverse. Les locaux jouent de plus en plus haut, veulent marquer mais se heurtent soit à leur propre manque de réalisme devant le but, soit au gardien adverse. L’ambiance reste très familiale, avec quelques chants à la gloire du Palestino, mais pas très originaux, notamment le fameux « Chi-chi-chi-le-le-le Palestino de Chile » repris par tout le stade. Il n’y pas de Barra (Groupe de supporter organisé) au sens festif et gérant l’animation dans le stade. L’ambiance au stade monte quand même un peu, le public sentant son équipe capable de marquer un but. Ce qu’elle manque de faire, puisque le Mago Jiménez file seul face au gardien mais tarde à tirer et du coup se fait rattraper par le défenseur. C’est peut-être le tournant du match pour le Tino car juste avant est entré Rafael Sóbis pour l’Inter. C’est justement lui qui ouvrira le score à la 82ème sur coup-franc, très mal négocié défensivement par le Tino, car le mur s’est défait et était beaucoup trop petit, ce qui ne pouvait pas passer inaperçu pour un joueur expérimenté comme Sóbis. Le but intervient juste avant l’entrée sur le terrain d’Andres D’Alessandro, le n°10 des Colorados revenu au club après une courte pige dans son club formateur, River, qu’il retrouvera très prochainement. L’Inter semble se reposer sur ses lauriers mais ne renonce pas non plus aux contres. D’Alessandro se retrouve seul sur le côté gauche mais fini par trop enrouler sa frappe qui sort en six mètres. La dernière occasion sera pour les locaux avec un joli tir en se retournant mais pas assez puissant qui arrive directement dans les bras de Marcelo Lomba.

Ivo Basay : « Fier de mes joueurs, on va continuer à jouer comme ça »

Les Chiliens peuvent nourrir des regrets, car le match nul était à leur portée voire même la victoire sur une courte marge. Mais une grosse erreur défensive leur aura été fatale car l’Inter ne s’est pas montré si dangereux que ça. À noter un bon match des deux gardiens ayant fait les parades nécessaires au bon moment. Pendant que les remplaçants de l’Inter font un petit décrassage improvisé, la conférence de presse des visiteurs débute avec le buteur (et capitaine suite à la sortie sur blessure de Rodrigo Mourado) et le coach Odair, dont c’est la première expérience en tant qu’entraineur principal. Le buteur rend hommage au Tino en disant que c’était une équipe difficile à jouer dans un espagnol parfait (rappelons qu’il a joué au Betis et aux Tigres arrivant jusqu’en finale de la Libertadores en 2015). Odair dit qu’il compte sur son expérience de double vainqueur de la compétition pour la suite.

Puis vient le tour du Palestino. Ivo Basay l’entraineur est accompagné du défenseur uruguayen Alejandro González. Les deux disent qu’ils ont joué le match qu’ils avaient préparé et qu’ils n’avaient que peu de regret car ils ont estimé avoir joué et même fait jeu égal avec leur adversaire. Basay précise qu’il est fier de ses joueurs mais insiste sur l’erreur qui leur a coûté le but en disant qu’au niveau continental ce type d’erreur se paye cher et qu’il ne peut donc pas parler de justice ou d’injustice. González termine en disant que ce match leur servira d’apprentissage.

Nous verrons s’ils ont bien appris dès mercredi en affrontant le champion en titre dans son antre du Monumental de Nuñez. Ils pourront compter sur léger avantage puisque River purgera le premier de ses deux matchs à huis-clos suite aux incidents de la finale. Par contre il faudra apprendre vite pour espérer quelque chose.

Gabriel Micolon à Santiago du Chili pour Lucarne Opposée

Gabriel Micolon
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