Pour son dernier match à domicile de la compétition, le Palestino recevait rien de moins que le champion en titre, les Argentins de River Plate du technicien Marcelo Gallardo. Ivo Basay, l’entraineur du Tino a d’ailleurs dit en conférence de presse d’avant-match que c’était le match de leur vie et qu’ils n’avaient rien à perdre. Retour sur une soirée décisive pour la qualification en huitièmes de finale de la Libertadores.
Ce match était donc d’un gros enjeu pour la suite des deux équipes dans la compétition. En cas de victoire, River assurait sa qualification, et le Palestino pouvait prendre une très sérieuse option. Le club chilien avait à nouveau décidé de jouer ce match au Monumental, l’antre du Colo-Colo, enceinte bien plus grande pour accueillir le champion en titre. Cela n’a d’ailleurs pas forcément plu aux habituels occupants de la Galeria Arica, la Garra Blanca, la barra du Cacique, et ils l’ont fait savoir en menaçant la tenue du match. Ils ont finalement perdu leur combat. Après vérification, ce n’était qu’une menace en l’air mais qui s’explique par plusieurs raisons. Selon leur charte, seuls eux-mêmes, et le Comando Sur, la barra de l’Alianza Lima, peuvent utiliser cette tribune (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’y avait pas eu de polémique lors du match contre le club péruvien). Ensuite, ces supporters avaient peur que la barra de River, connue pour la violence de certains de ses membres, ne s’en prennent à des fresques situées en bas de la galeria, en ajoutant au fait qu’ils redoutaient qu’ils soient accompagnés de quelques supporters de la U de Chile, l’archi-rival, traditionnellement plus proches de River, la Garra Blanca semblant plus proches de ceux de Boca (sans pour autant exister une animosité avec ceux de River). Il est d’ailleurs étrange que pour les deux matchs du Tino, les visiteurs n’aient pas été placés dans la tribune leur étant normalement réservée. 5000 hinchas des gallinas étaient attendus pour ce match (ils étaient sûrement moitié moins), en plus de la centaine de supporters locaux des millonarios (car River compte beaucoup de supporters hors de ses terres, par forcément argentins, preuve de l’aura du club), à qui il a été refusé de se mettre dans la même tribune que ceux venus d’Argentine. Ils ont été parqués dans la tribune juste à côté, malgré leur tentative d’avant-match d’être réunis.
Car oui, recevoir River Plate n’est pas anodin, encore moins pour un petit club comme Palestino, pas habitué aux joutes continentales. Premier exemple, il aura fallu négocier avec le service presse du club qui dans un premier temps refusa la demande d’accréditation, arguant que c’était un match beaucoup plus important, alors qu’avec les mêmes documents, celle-ci avait été acceptée sans aucun problème pour les matchs précédents. Il aura fallu rappeler que Lucarne Opposée était le seul média français (voir francophone) à couvrir la Libertadores pour qu’il finisse par l’accepter. Ensuite, les tribunes étaient parsemées de quelques maillots à la bande diagonale rouge de River. Dernier exemple, mon voisin journaliste qui se met à reprendre lors de l’avant-match certains chants pro-River, se refusant néanmoins de se dire ouvertement supporter de River pour ce match à cause de sa déontologie journalistique (tout comme moi d’ailleurs).
Première mondiale et drapeau géant de la Palestine
Si le Barça est plus qu’un club, alors le Palestino est beaucoup plus qu’un club. La preuve avec cette annonce du speaker, qui fait suite aux chansons en arabe et au traditionnel « Despacito » version arabe d’avant-match. Il annonce en effet que tous les supporters du club, la grande famille du Palestino sera pour la première fois de l’histoire du club réunie et annonce la présence d’une centaine de supporters de Ramallah. Je me suis dit naïvement qu’ils étaient en tribunes, que le club avait payé le voyage à cette centaine de supporters, et que c’était beau. Mais ce n’est pas tout à fait ça, car ils étaient là mais pas là en même temps. Je m’explique. Ils ont en fait été placés dans la tribune visiteurs du Monumental mais à travers d’écrans interposés. Car oui, ils étaient en direct de Ramallah à voir le match mais étaient présents dans le stade grâce à la grosse vingtaine d’écrans disposés dans la tribune. C’est sûrement une première mondiale assez remarquable, et qui ne devrait pas être passé sous silence car c’est une initiative extraordinaire. Cela vaut bien mieux bien qu’un simple hologramme dans un camion ou sur une scène. Du coup on pouvait entendre les supporters palestiniens (les vrais, de Palestine) chanter au cour du match « Tino, Tino, Palestino ». Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Même si quelques sièges de couleur verte aperçus dans la tribune en face le temps que les gens s’installent, me laissait penser à l’organisation d’un tifo, je ne m’attendais pas du tout à voir surgir des tribunes à l’entrée des joueurs un drapeau géant de la Palestine. Quelle émotion ! Que l’on soutienne ou pas la cause palestinienne, on ne peut pas rester insensible à ce drapeau géant, alors que l’on assiste à un simple match de Libertadores à plusieurs milliers de kilomètres de ce pays du Moyen-Orient. À l’annonce des joueurs de River, Lucas Pratto gagnera à l’applaudimètre, lui qui s’est fait connaître du grand public à la Católica en 2010. Gallardo aussi se fera applaudir, le public lui reconnaissant sûrement son palmarès.
Une entame de match moyenne de River, Palestino n’en profite pas
Pas de grosse surprise dans la composition des deux équipes, si ce n’est l’absence dans le onze titulaire de Cristobal Jorquera au milieu de terrain. Côté River, à noter la présence, une fois encore de Palacios sur le banc des remplaçants, alors qu’il était censé rejoindre le Real Madrid dès le mois de décembre. Pour les amis rennais, Lucas Martínez Quarta est bien titulaire et fera un match correct. Les premières minutes du match montrent une fébrilité défensive de la part des Argentins assez surprenant, avec quelques cafouillages et imprécisions défensives surprenants (heureusement pas dans leur surface), notamment du latéral droit Fabrizio Angileri, assez catastrophique. Mais ce sera de courte durée. Telle une partie d’échec, les hommes de Gallardo semblent montrer une face vulnérable comme pour laisser espérer l’adversaire pour, au fur et à mesure du match, prendre le contrôle sur son adversaire. Malgré l’arrivée tardive de certains supporters et l’ambiance plus sympa que les précédents matchs à domicile, le Tino ne se montre guère dangereux face à Armani, et n’arrivent pas à trouver Passerini dans la surface, mais en tournant autour. Par contre, les Argentins en deux-trois mouvements arrivent très facilement dans la surface adverse en jouant large, et notamment Pratto qui se procure des débuts d’occasions. River recevra néanmoins le premier coup dur de la partie avec la sortie sur blessure à l’épaule de Matías Suárez, obligeant el Muñeco à changer son système à deux attaquants en faisant rentrer Santos Borré. Les Chiliens, coupables de plusieurs erreurs d’inattention lors des matchs précédents, imputables à leur manque d’expérience en compétition internationale, River semble vouloir en profiter, et tente de provoquer la faute technique ou du moins l’attendre et s’y engouffrer dès que possible, ce que Lucas Pratto réussit plutôt bien. Puis c’est finalement Javier Pinola, le très expérimenté capitaine et défenseur central des Millonarios qui ouvrira le score d’une tête plongeante, laissé seul au second poteau suite à un coup-franc.
Deuxième mi-temps à l’avantage de River
La première mi-temps se terminera sur une sortie très hasardeuse d’Armani dans les pieds d’un attaquant juste en dehors de sa surface après avoir relâché le ballon. Heureusement pour lui il n’écopera que d’un carton jaune, ne semblant pas avoir touché le ballon de la main, malgré l’intention. Le coup-franc passera juste au-dessus des cages. Coup de chaud pour River. Au-delà de l’ouverture du score, le tournant du match aura sûrement été le changement effectué à la mi-temps par Ivo Basay en faisant rentrer Enzo Guerrero à la place de César Cortés en ne passant plus qu’à trois au milieu au lieu de quatre ce qui laissera beaucoup d’espace dans le dos aux attaquants de River. Le défenseur Julián Fernández se faisant expulser côté Tino puis la fébrilité de leur gardien Ignacio Fernández n’aidant pas, les Gallinas doublent la mise sur une bourde de celui-ci suite à une jolie passe de l’Uruguayen De la Cruz, par ailleurs auteur d’un très bon match. Le raid solitaire de Luis Jimenez en début de deuxième mi-temps se terminant sur une frappe rasant le poteau droit d’Armani pour les locaux, puis le poteau de Passerini suite à un bel enchainement amorti frappe et enfin l’expulsion de Santos Borré dans l’indifférence générale à la 88e minute n’y changeront rien, ce sera River qui se qualifiera à la fin du match. Ils auraient d’ailleurs pu (dû diront certains) aggraver le score vu le nombre d’occasion franches manquées sur la fin. Le match se terminera sur quelques « olés » de la part des hinchas riverplatenses. Néanmoins pour les Chiliens, il reste un espoir de disputer la Copa Sudamericana. Car oui, à l’instar de l’Europe, il y a des clubs reversés d’une compétition à l’autre, les troisièmes de chaque groupe.
Nouveau record pour Gallardo
En conférence de presse, le technicien argentin se montrera plutôt respectueux du Palestino, en disant que c’était tout de même un rival difficile. Une question lui sera posée sur la différence de niveau entre clubs chiliens et argentin selon lui. Il répondra qu’en Amérique du Sud la différence entre clubs de différents pays n’est pas aussi grande qu’en Europe, ou en tout cas pas encore, et que c’est pour cela que la Libertadores est très dure à jouer et à gagner, car il y a beaucoup de prétendants au titre final mais que les clubs chiliens avaient nettement progressé. Puis un journaliste argentin lui a annoncé avoir battu un nouveau record en cumulant dix matchs sans défaite à l’extérieur dans cette compétition, chose qui était passée totalement inaperçue pour le technicien. Avec beaucoup plus de journalistes présents que d’habitude il me sera impossible de lui poser une question sur les rumeurs l’envoyant à Lyon, et plus globalement sur ce qu’il pense du niveau de notre Ligue 1.
Ce sera finalement à Ivo Basay que je poserais une question concernant la prouesse technique réalisée par son club en permettant la présence, même si virtuelle, de supporters de Ramallah et si elle avait galvanisé ses joueurs. Il me répondra par une phrase en français au début (lui qui a évolué durant trois saisons à Reims et est marié à une Française) pour finalement ne pas répondre du tout à ma question, semblant même répondre à une question que je n’ai pas posée, n’évoquant à aucun moment les supporters palestiniens. Un collègue journaliste chilien finira par me dire que c’est habituel chez le technicien de répondre à côté de la question. En espérant qu’il ne fasse pas de même avec ses propres joueurs…


