Alors que de nombreux pays peinent à exister dans l’ombre des Argentins et Brésiliens, l’Équateur fait office d’exception. Le fruit d’un patient travail de formation qui porte ses fruits, jusqu’à une sélection qui laisse entrevoir bien des promesses.

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Sélection : la graine est plantée

Au moment de l’arrivée de Gustavo Alfaro, le jeu équatorien se résumait à un jeu de transition rapide et parfois un manque de discipline tactique qui pouvait lui coûter cher. La première partie d’année n’a pas dérogé à la règle, avec notamment une Copa América assez frustrante qui a vu la Tri laisser filer des matchs qu’elle semblait maîtriser face au Venezuela ou au Pérou, et prendre le dessus sur le Brésil sans le convertir en succès. Le tout en affichant toujours ces moments d’absence, ces terribles détails qu’elle paye cher. Mais aussi frustrante fut elle, la Copa América a laissé entrevoir du nouveau, une graine tactique plantée par le sélectionneur avec la possibilité de passer d’un 4-3-3 générateur de danger – notamment dans les couloirs avec la machine à provoquer Gonzalo Plata – à un 4-4-2 plus compact, plus discipliné, quand les circonstances le requièrent. Ne restait qu’à trouver une dynamique : l’Équateur l’a fait sur la deuxième partie d’année. Victoires convaincantes face au Paraguay, à la Bolivie, succès au Chili et match nul en Colombie, la Tri contrôle ses éliminatoires, possède désormais six points d’avance sur les irréguliers qui vont s’écharper sur les quatre derniers matchs et peut envisager une qualification pour le Qatar même si la Tri doit accueillir Argentine et Brésil lors de ces quatre matchs. Mais avec un effectif qui mélange parfaitement les cadres que peuvent être des Arboleda, Mena, Valencia et cette incroyable vivier qu’est sa jeunesse, cet Équateur est une formidable raison de s’enthousiasmer.

Compétitions continentales : l’exception

Independiente del Valle vainqueur de la Sudamericana 2019 quand la LDU était en quarts de la Libertadores, trois équipes en huitièmes de finale de l’épreuve reine en 2020 (deux éliminées par les deux finalistes, la LDU s’imposant même au Brésil), l’Équateur a pris l’habitude de montrer que manque de moyens ne rime pas avec manque de résultats dès lors que l’on travaille bien. Il l’a confirmé en 2021. Car si le format de la Sudamericana fait qu’il réduit davantage les chances de tout ce qui n’est pas Argentin ou Brésilien à la portion congrue, Emelec peut nourrir quelques regrets, tombant chez lui lors de l’ultime journée face à Talleres alors qu’il pouvait éliminer le futur finaliste, Bragantino avec un dernier succès. Dans ses pas, LDU et Independiente del Valle sont arrivés en huitièmes, reversés de la Libertadores. La LDU avait tout de même accroché le nul en groupes face à Flamengo, au Maracanã quand Independiente del Valle a manqué le coche dans son duel à distance entre vainqueurs de la Sudamericana avec Defensa y Justicia. Le club de Quito s’est tout de même offert Grêmio (qu’Independiente del Valle avait sorti de la Libertadores) en huitièmes de la Sudamericana, avant de tomber en quarts face au futur vainqueur, battu d’un rien au Brésil dans un match fou. De son côté, le futur champion d’Équateur est tombé face au finaliste, entrevoyant un temps une remontada au Brésil. En Libertadores en revanche, l’autre géant de Guayaquil, Barcelona, a parfaitement défendu les couleurs du pays. Les Toreros se sont imposés à deux reprises face au finaliste 2020 Santos, donnant deux leçons, ont fait tomber Boca au Monumental avant d’aller chercher le nul à la Bombonera et ont ainsi dominé leur groupe. Parcours confirmé en phase à élimination directe avec comme cerise sur le gâteau, le fait d’empêcher le carré d’as brésilien. Barcelona sort Vélez en huitièmes, Fluminense en quarts et est donc le seul non auriverde du dernier carré, tombant sur Flamengo en demies. 2021 aura ainsi été la nouvelle démonstration que la troisième force continentale en termes de clubs est bien l’Équateur.

Championnat : la juste récompense

Independiente del Valle est champion ! Enfin serait-on tenté de dire tant les Negriazules ont ouvert la voie depuis de nombreuses années (on vous invite à (re)lire la présentation du projet faite à l’occasion de la finale de Sudamericana 2019 que le club a fini par remporter) à une nouvelle manière de lutter contre le manque de moyens. Depuis, le modèle s’est répandu, au pays et sur le continent, nombreux étaient ceux à en avoir profité bien avant Independiente del Valle. Jusqu’à cette année. Après une Primera Etapa qui a vu les deux géants de Guayaquil s’écharper pour la première place, IdV manquant son départ et ne parvenant jamais à recoller (chose quasi impossible dans les tournois courts), les hommes de Renato Paiva, arrivé cette saison fort de son expérience avec les équipes de jeunes du Benfica – toujours cette volonté de recruter des entraîneurs capables de gérer les gamins sortants du centre de formation – ont accéléré d’entrée de Segunda Etapa, pour à leur tour, ne jamais être repris, profitant aussi du fait qu’il n’y avait plus de calendrier continental à gérer. Bilan de la Segunda Etapa, une seule défaite, face à 9 de Octubre, dont on va reparler dans quelques lignes, et dix victoires sur les quinze journées. Ne restait donc plus qu’à décrocher la finale pour enfin convertir en étoile ces années de développement. L’affaire a été en grande partie réglée dès l’aller, avec une capacité d’adaptation tactique qui a fait la force de ces Negriazules : d’abord en aspirant le milieu d’Emelec pour jouer dans son dos et profiter de la défense à trois adverse et faire monter les latéraux pour prendre les espaces, à l’exemple de l’action menant à l’ouverture du score de Júnior Sornoza sur un énième centre de la machine à centrer José Hurtado. Ensuite en s’adaptant au passage en 4-4-2 du Bombillo en mettant du monde au cœur du jeu et combinant rapidement pour provoquer les décalages. Mission accomplie donc avec une victoire 3-1 que les Negriazules ont confirmé au retour au Capwell en décrochant le nul.

Cette première étoile vient donc confirmer ce modèle visant à s’adapter aux contraintes économiques défavorable en misant sur sa formation alors que paradoxalement, l’Independiente del Valle 2021 est peut-être celui comptant le moins de « gamins » issus de la cantera dans son effectif. Il a reposé sur les anciens, les cadres argentins que sont Schunke et Pellerano complété par quelques « bourlingueurs » albicelestes, l’ancien Leproso passé par le Gimnasia Lorenzo Faravelli et l’ancien Sabalero Jonathan Bauman. Ces joueurs clés, plus nombreux sans doute que par le passé, ont ainsi mené la nouvelle génération symbolisée par Hurtado au sommet. Reste désormais le plus dur : confirmer mais les premiers recrutements pour 2022 annoncent une formation encore plus forte avec le retour du diamant Stiven Plaza, l’arrivée de l’une des révélations du tournoi, Danny Cabezas et la prolongation de l’enfant du club, Júnior Sornoza.

Impossible cependant d’évoquer le championnat sans s’intéresser à 9 de Octubre. Club centenaire, qui a même connu les joies de disputer la Copa Libertadores, 9 de Octubre a décroché son premier titre, la Serie B en 2020. L’occasion pour lui de revenir dans l’élite vingt-six ans après l’avoir quittée. Le club vit sous influence d’Independiente del Valle depuis l’arrivée à sa tête de Juan Carlos León. Il faut dire que le profe connait bien la maison negriazul pour y avoir entraîné les U16-U18 et U19 avant de s’occuper de la filiale, Independiente Juniors pour la faire montrer en Serie B en 2019. C’est alors qu’il a rejoint le Súper 9, emmenant avec lui quelques joueurs de son ancien club, allant chercher quelques bons coups, dont l’excellent José Fajardo, issu d’un processus similaire mis en place au Panamá (et dont nous nous vous parlions déjà en 2018). Après un premier tournoi pour se mettre en place, 9 de Octubre a bousculé l’élite équatorienne pour terminer à la troisième place lors de la Segunda Etapa (devancé à la différence de buts par Emelec) et décrocher une place en Sudamericana ! Cette équipe sera bien évidemment l’une des attractions de 2022.

L’équipe de la saison

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Composer un onze type de la saison est toujours difficile, il l’est d’autant plus quand de nombreuses équipes et joueurs ont brillé.

Première difficulté, le choix du gardien. On aurait pu faire le pari de la jeunesse avec Moisés Ramírez, portier du champion ou celui de la maturité avec Pedro Ortíz, sa victime en finale, on choisira finalement Hernán Galíndez pour plusieurs raisons : premièrement car le portier de la Católica a défendu les cages de son club depuis près de huit ans, plus de 350 fois, depuis la Serie B jusqu’à l’élite, ensuite car il a réalisé une saison XXL permettant aux siens de décrocher un billet pour la Libertadores et étant récompensé par un appel en sélection où il a également tenu son rang.

Choix difficile aussi en défense. José Hurtado aurait clairement sa place dans n’importe quelle équipe type, Romario Caicedo d’Emelec également, mais dans le couloir droit, le Torero Byron Castillo a survolé la saison en championnat et sur le continent (il a même été élu dans le XI type de la Libertadores) et mérite ainsi sa place dans notre onze. À gauche, le choix se porte sur Orlin Quiñónez, l’un des piliers de l’incroyable campagne de 9 de Octubre. Dans l’axe, si Richard Schunke semble indiscutable, son associé de l’axe est sujet à plusieurs candidatures : on peut citer ses coéquipiers Luis Segovia mais surtout Mateo Carabajal, venu stabiliser la défense du futur champion à partir de juillet, ou encore noter la belle saison du Haïtien Ricardo Adé, excellent avec Mushuc Runa. Mais notre choix se portera finalement sur Fernando León, ancien de la maison Independiente del Valle qui a parfaitement profité du prêt offert par Barcelona pour oublier ses débuts compliqués au Mexique et s’installer comme l’un des tous meilleurs à son poste en Serie A.

Devant eux, on aurait également pu choisir d’installer le régulateur des Negriazules, le presque quarantenaire Cristian Pellerano, mais on lui préfèrera un duo afin de porter notre équipe encore plus vers l’offensive. Ce duo sera composé de Dixon Arroyo, l’homme qui annihile le jeu adverse et initie le danger côté Emelec, et Lorenzo Faravelli, indispensable dans la genèse des attaques du champion. Deux choix qui écartent ainsi par exemple un excellent Sebastián Rodríguez ou l’essentiel Michael Carcelén auteur d’une superbe saison avec Barcelona. Devant ce duo, trois créatifs, trois éléments déstabilisants : Júnior Sornoza qui a apporté cette touche technique et créative nécessaire à son Independiente del Valle pour décrocher sa première étoile, Danny Cabezas, homme clé de la sensation 9 de Octubre dont l’arrivée chez le champion génère bien des impatiences, et Lisandro Alzugaray qui n’a cessé d’accélérer au fil de la saison pour porter la Católica en Libertadores. Des choix qui écartent un Joao Rojas, formidable machine à danger d’Emelec ou Aron Rodríguez auteur d’une belle saison avec Macará. Enfin devant, si l’on suivra avec attention l’avenir de Nilson Angulo, l’un des rares à surnager dans une décevante LDU malgré ses dix-huit ans, le choix se portera sur le goleador du championnat Jonatan Bauman, auteur d’une première moitié de saison déjà énorme avec Mushuc Runa (douze buts en quinze matchs) avant de poursuivre sur la même voie (quatorze buts en seize matchs) avec Independiente del Valle.

Même dilemme au moment de choisir l’entraîneur : Renato Paiva a offert une nouvelle culture tactique au champion, mais le travail de Juan Carlos León mérite tout autant de louanges. Il aura ainsi nos faveurs.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.