16 juin 2018. Saransk, Russie. Christian Cueva envoie le ballon au-dessus des buts de Schmeichel. Le Danemark remporte le match sur la plus faible des marges et le Pérou ne verra pas les huitièmes de finale de cette tant attendue Coupe du Monde. Voici le résumé que la Blanquirroja a laissé de 2018 et qui reste encore dans toutes les conversations aux quatre coins du Pérou. Mais quand est-il de 2019 ? Cette année a été riche en émotion. Le Pérou en finale, une finale au Pérou, un petit qui devient gros et un gros de retour dans l’élite.

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Binacional, le roi de l’Altiplano

2019 aura été l’année d’un club : le Binacional. Cette année sera inscrite à jamais dans l’histoire du club qui remporte dans un premier temps le tournoi d’ouverture en juin une semaine avant le coup d’envoi de la Copa America. En cinq mois, le club de la ville de Juliaca perché à plus de 3800 mètres, écœure ses adversaires en remportant huit de ses neuf matchs à domicile parfois sur des scores humiliants. Universitario repart notamment avec quatre buts dans les valises, Melgar s’en prendra trois tandis que Diego Penny ira chercher le cuire à six reprises dans les filets de San Martín. Une seule équipe arrive à repartir de Juliaca avec les trois points, il s’agit de Sport Huancayo, une autre équipe d’altitude (3259 mètres). Lors du Clausura, Binacional est plus fébrile mais reste toujours injouable à domicile. Cette fois, c’est Sporting Cristal qui est asphyxié à Juliaca et repart, comme la U, avec ses quatre buts dans les valises. Pas de jaloux. L’Alianza Universidad fait pire que San Martín et le pauvre gardien ira chercher le ballon sept fois dans ses filets. Les héros de Sport Boys sont les seuls à battre le Poderoso del Sur sur ses terres et remportent trois précieux points dans leur opération maintien. Mais le véritable rouleau compresseur de fin d’année aura été l’Alianza Lima qui a terminé le tournoi sur huit matchs sans défaite pour gagner le titre de Clausua avant de disposer du Sporting Cristal en demi-finale de play-offs. D’octobre à décembre, les blanquiazules ont remporté sept matchs et perdu un seul, le plus important de tous : la finale aller contre Binacional… à Juliaca. Cette finale, opposant les deux meilleures équipes de l’année, s’est jouée sur un détail : le facteur altitude. Roberto Mosquera a préféré jouer le match aller à domicile pour cueillir les Liméniens épuisés après leur demi-finale quatre jours avant. Comme Universitario et Sporting Cristal, l’Alianza s’en prend quatre au stade Guillermo Briceño. La victoire 2-0 des Grones au match retour à Lima ne sera pas suffisante. C’est ainsi que cet humble club de la région de Puno se proclame champion national pour la première fois de son histoire. Une histoire qui restera endeuillée par le décès d’un joueur de l’équipe lors d’un accident de voiture survenu une semaine avant la finale. Ses coéquipiers lui auront dédié le meilleur des hommages en remportant ce titre.

En seconde division, une autre sensation voit le jour avec le retour d’un club mythique. En 2015, le club Cienciano de Cusco terminait quinzième du classement général de première division et descendait à l’échelon inférieur. Il y sera resté « seulement » quatre saisons car en 2019, le club décroche son premier titre de champion de Liga 2 et retrouvera enfin l’élite en 2020. L’engouement est impressionnant à Cusco et les supporters du Papá remplissent aisément le stade Inca Garcilaso de la Vega alors que même le Real Garcilaso, évoluant en première division et qui va désormais s’appeler Cusco Fútbol Club, n’arrive pas à le faire. L’opinion publique se réjouit également du retour de ce grand du Pérou qui avait fait vibrer tout le pays en décrochant la Copa Sudamericana face à River Plate en 2003. Depuis, le club de Cusco est resté dans le cœur des Péruviens.

La Blanquirroja toujours plus haut

La sélection nationale s’est aussi envolée vers les sommets lors de la plus importante compétition continentale, la grande Copa América. Pourtant, la bicolore entre en 2019 avec une victoire timide contre le Paraguay suivi d’un revers scandaleux contre El Salvador lors de la double date FIFA de matchs amicaux. Le Pérou rate aussi ses deux matchs de préparation à dix jours du début de la Copa América brésilienne. La victoire sur un vaillant Costa Rica n’efface pas le contenu pauvre du jeu de la Blanquirroja qui se fera balayer quelques jours plus tard à Lima par la Colombie. Inquiétant pour une sélection emmenée par le même coach et la même équipe qui avait été étincelantes en 2017 et 2018. L’entrée en lice en Copa América sera encore très poussive avec un nul contre le Venezuela du gardien-cyborg Fariñez puis une victoire peu convaincante contre la Bolivie. À force de ronronner, les joueurs de Gareca se prennent les pieds dans le tapis et surtout une claque monumentale avec une défaite 5-0 contre le Brésil lors du dernier match de poule. Le miracle du règlement du tournoi fait que le Pérou est tout de même qualifié pour les quarts de finale en étant meilleur troisième. Il aura fallu une Blanquirroja héroïque et bien aidé par le VAR, qui annule deux buts de Cavani en position de hors-jeu, pour pousser la Celeste jusqu’aux tirs au but. Un immense Gallese stoppe le tir du premier uruguayen qui n’est d’autre que Luis Suárez dont la valeur marchande est supérieure aux vingt-trois Péruviens présents ce soir-là. Tous les autres tireurs inscriront leur but et Edison Flores enverra le Pérou en demi-finale en assumant toute la pression de trente millions de péruviens pour planter la dernière espadrille. Mais le point d’orgue de ce Pérou 2019 aura lieu le 3 juillet quand les coéquipiers de Paolo Guerrero étrillent leur grand rival chilien pour un Clásico del Pacifico qui restera dans les annales. Le Pérou est en finale, le pays tombe dans l’ivresse comme il y a 44 ans lorsque les Incas avaient remporté la Copa América en 1975, dernier titre à ce jour. Les Péruviens descendront vite sur terre car leur challenger est vêtu de jaune et bleu, a déjà remporté huit finales sur les dix disputées de Copa América et surtout joue à domicile, dans son Maracanã. Malgré un jeu séduisant et une meilleure opposition que lors du match de poule (perdue 5-0), les hommes de Ricardo Gareca tombent face à plus fort qu’eux. Le Brésil décroche sa neuvième Copa devant son public mais le Pérou à montrer qu’il était un beau et digne vice-champion d’Amérique du Sud.

Quand la Libertadores s’invite au Pérou

Une fois que les rideaux de cette belle Copa América se ferment, le quotidien des championnats locaux reprend vite ses droits en Amérique du Sud ainsi que la prestigieuse Libertadores. Mais lorsque débutent les huitièmes de finale de cette coupe continentale fin juillet, il y a bien longtemps que les clubs péruviens ne sont plus de la partie. Le Real Garcilaso chute face aux Vénézuéliens du Deportivo La Guaira au premier tour préliminaire et quitte la compétition dès janvier. Melgar réussi l’exploit de battre l’Universidad de Chile au second tour puis le Caracas FC au troisième tour pour s’inviter en phase de poule aux côtés de Palmeiras, San Lorenzo et Junior FC. Comme prévu, Melgar chute lourdement face aux Brésiliens mais le double succès face aux Colombiens de Junior lui permet d’accrocher la troisième place qualificative pour la Sudamericana, tournoi qu’ils quitteront prématurément, éliminé par l’Universidad Católica. De son côté, Sporting Cristal termine également troisième dans un groupe pourtant abordable comprenant Olimpia, Godoy Cruz et Universidad Concepción. Une première défaite au Chili frustre les ambitions des Péruviens et la belle victoire au Paraguay ne sera pas suffisante pour se hisser en huitièmes. En Sudamericana, Cristal sortira dès les huitièmes de finale face à d’héroïques Vénézuéliens de Zulia FC. Si l’Alianza Lima a longtemps cru à une victoire contre le champion sortant, River Plate, pour leur entrée en lice, Christian Ferreira a refroidi l’Estadio Nacional dans les arrêts de jeu en marquant sur un super coup-franc pour arracher le match nul. Le reste de la compétition est un véritable calvaire pour le club blanquiazul qui perd les cinq matchs suivants contre l’Internacional de Paolo Guerrero, River au Monumental ainsi que contre Palestino, l’équipe qui paraissait la plus faible sur le papier. Plus aucun club ne représente le Pérou en coupe continentale après le mois de mai. Inquiétant pour un pays qui aspire à redorer son blason sur la scène internationale. Cependant, le pays Inca marquera l’histoire de la compétition à sa façon puisqu’il accueillera la première finale à match unique de la Copa Libertadores. Initialement prévu à Santiago du Chili, la finale unique est délocalisée sur décision de la CONMEBOL suite à de violents conflits sociaux qui touche le pays. Le stade Monumental de Lima est rapidement choisi pour sa situation géographique, la stabilité du pays ainsi que la capacité de ce stade à accueillir plus de 80 000 spectateurs. Sur le terrain, Flamengo remporte le deuxième titre de son histoire contre River Plate mais le Pérou brillera également pour l’organisation expresse de cette finale retransmise dans plus de deux cents pays dans le monde.

Cette année le Pérou aura été plusieurs fois sur le devant de la scène footballistique continentale devenant un protagoniste essentiel de la région. S’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour améliorer notamment le championnat local et le football de club, le Pérou peut compter sur sa sélection nationale pour le représenter dignement au-delà de ses frontières. Il lui faut maintenant capitaliser sur cette belle année pour faire de 2020 une année aussi mémorable avec une nouvelle Copa América qui se profile. Cette fois, le Pérou sera attendu au tournant et ne pourra plus se cacher.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.