Nacional et Luis Suárez s’offrent un match de gala contre Montevideo City Torque alors que l’adversaire de toujours s’enfonce. Le clásico de la semaine prochaine sera déséquilibré comme cela ne s’est pas vu depuis longtemps. Pour le reste, Liverpool revient à l’ordinaire et Wanderers fait du surplace.

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Un homme fort peu recommandable a parlé de l’Argentine en ces termes : un vertige horizontal. Les Uruguayens ne l’admettront jamais, orgueil oblige, mais le même sentiment domine. Terre particulièrement plate, pas de relief, aucun bâtiment ne s’élevant de terre pour gratter le ciel et donc ce dernier paraît plus grand qu’ailleurs. Tout cela pour dire que le Parque Alfredo Victor Viera n’est pas plat. Je prenais comme d’habitude des photos où le ciel prend une place plus importante que la terre, une photo ou apparaissait pour le coup des nuages tordus en six arabesques au-dessus des buts adverses et je n’arrivais pas à ce que le premier plan apparaisse comme un plan horizontal. C’est que, et personne ne s’en est sans doute rendu compte, mais le Parque Alfredo Victor Viera penche vers le Miguelete, petit ruisseau apportant l’eau potable à Montevideo et parcourant le parc Prado. Le terrain du Viera, au sein de ce dernier, n’est pas plat. Le football est un sport flexible, dans lequel même les dimensions du terrain sont, dans une certaine mesure, à l’appréciation de l’équipe hôte. J’imagine que le terrain respecte les normes en vigueur, qu’il n’est « qu’un peu » penché. Cette réflexion m’a pris toute une mi-temps, la première de Wanderers Albion, une mi-temps commencée à 10 heures du matin, ceci expliquant sans doute cela. Il a plu toute la nuit, très exactement jusqu’au coup d’envoi. WanderersAlbion, deux des plus vieilles équipes du championnat d’Uruguay, passées par tant de gloires et de chutes (surtout pour Albion). Rien d’exceptionnel, pour ne pas dire rien du tout, en première mi-temps. Seul un penalty pour une supposée main annulé un long passage de visionnage et d’analyse de la K7 apporte un peu de piment au match.

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Instant VAR

Il faut attendre la deuxième mi-temps pour voire l’équipe de Carreño vouloir prendre des risques. Le risque est tout d’abord pris par Diego Hernández, facteur X sur le côté droit, puis par les entrants notamment Kevin Consentino. C’est presque payant en deuxième période, mais cela ne fait pas un but et le match se termine sur le score de 0-0. Albion se montre solide dans l’axe et, comme contre Peñarol il y a deux semaines, aurait pu faire un coup si Neris avait été présent ou si Delis Vargas était un peu plus juste techniquement. La faune des spectateurs d’un match à 10 heures un samedi pluvieux n’en a cure. Il faut être un peu maso ou vraiment aimer son club pour être dans les tribunes à cet instant, et pourtant les churros sont délicieux.

Il n’y a aucune autre tribune au monde comme la tribune Olimpica du Centenario. La vue sur le terrain n’est franchement pas extraordinaire, mais vous êtes coincé entre le terrain, l’Histoire et le ciel. Encore le ciel, pointé du doigt par la tour de hommages. Au final, le Centenario est un carnaval recommençant tous les week-ends en hommage au football. Et le match a été un hommage appuyé avec un Nacional de gala, montrant la machine que peut devenir une équipe avec des bons joueurs et du bon travail. Les hommes de Repetto se sont rendus le match facile avec un très beau but d’entrée du jeune Franco Fagúndez sur une passe de Luis Suárez. Toujours en première mi-temps, Nacional se rend le match encore plus facile avec un deuxième but signé Suárez sur une magnifique action collective. Au-delà de ces deux buts, le match est une longue litanie d’opportunités avec de nombreuses barres, des buts marqués en position de hors-jeu de peu, mais surtout une belle machine génératrice de football. Les clefs se trouvent au milieu, avec un duo Carballo-Ginella fonctionnant à merveille et en attaque, dans l’axe, avec un duo Suárez - Fagúndez s’entendant à merveille, les deux pouvant jouer en pointe ou décrochés, les deux alternants sans vergogne. Montevideo City Torque a eu avoir dix bonnes minutes au retour des vestiaires, débordant sur le côté gauche assez efficacement, touchant deux fois la barre, avant que Viana ne soit expulsé pour un deuxième jaune et que le match s’arrête là. La situation est cocasse car Viana avait pris son premier jaune sur une altercation avec Suárez sur laquelle il n’était absolument pas responsable. Nacional se procure cinquante occasions avant qu’Emmanuel Gigliotti (grand perdant de l’arrivée du Pistolero) ne marque le troisième de la tête après son entrée. La fin de match est assez peu intéressante entre un Nacional faisant tourner dans la perspective du clásico et un Torque cherchant à jouer mais ne trouvant pas la faille, sauf rarement sur les côtés. Sebastian Ribas, l’ex-dijonnais et grand buteur de Ligue 2 française, est sevré de ballon par le duo Carballo-Ginella. Score final 3-0 et, sans le clásico, cela aurait pu se termine sur un 6-1. Nacional est sur sa lancée et donc rien de très nouveau sous le soleil sauf les départs inopinés d’Ocampo en Espagne et de Marichal au pays de Mikhaïl Boulgakov. Torque inquiète, avec ce que j’ai toujours considéré comme un problème insolvable pour les clubs filiales : l’objectif est-il de gagner ou de servir de relais pour joueur ? Le club n’arrive plus à aucun des deux et à de la chance avec le système de descente sur deux saisons. Il lui restera une chance. Le onze d’Eguren a manqué de tout au Centenario, de stratégie et d’envie surtout.

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Pour le reste, Peñarol a fait match nul dans un match encore une fois on ne peut plus logique, avec des absences d’automatisme flagrant dans l’équipe. Danubio a bien joué les contres, en jouant physique en défense (parfois à la limite), et l’équipe de Fossati repart avec un bon point. Après avoir perdu l’Apertura, l’Intermedio et le classement annuel, Peñarol joue toutes ses chances au Clausura dimanche dans un nouveau clásico du football uruguayen. Un clásico chaud comme la braise, bleu comme le ciel uruguayen car une équipe, Peñarol, en complète perte de repères, ne joue plus que pour embêter éventuellement son adversaire à venir. C’est largement suffisant et il est probable que les deux équipes ne finissent pas à onze… Sinon, Liverpool continue de perdre des points et va passer les prochains matchs à se préparer pour les finales, Defensor confirme sa belle saison en battant Plaza Colonia. Le club est toujours à la lutte, comme Danubio, pour une place en Sudamericana. River explose Cerro Largo et reste en tête du Clausura, dernier tournoi dans lequel il reste un vrai suspense. Cerro Largo, en chute libre, vient de changer d’entraîneur en faisant venir Marcelo Saralegui, avec sans doute Carlos Bueno comme assistant.

Résultats et classement

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba