Emmenée par une génération dorée et s’appuyant sur quelques cadres plus expérimentés, la Tri équatorienne se présente au Qatar avec à la fois des ambitions mais aussi et surtout une volonté d’apprendre pour préparer le futur.

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Il y a vingt ans, l’Équateur découvrait la phase finale d’une Coupe du Monde, tombant en ouverture face à l’Italie à Sapporo. La Tri terminait dernière de son groupe, quatre ans plus tard, elle surprenait l’Europe en sortant de son groupe derrière l’hôte allemand avant de tomber sur un coup franc de David Beckham en huitièmes de finale. On pensait alors qu’une nouvelle ère s’était ouverte, que l’Équateur allait prendre ses habitudes. Mais le monde a évolué, le pays a dû changer de philosophie, d’idée pour résister. Absent en 2010 et 2018, sorti d’un rien après avoir résisté à la France et perdu sur le fil face à la Suisse en 2014, la Tri a patiemment attendu l’avenir. Il est désormais devenu présent.

Former pour exister

Dans une zone où la puissance économique du Brésil a fini par tout écraser, l’Équateur a fait le choix de ne plus aller chercher les marchés de seconde main, il a décidé de former ses propres talents. Dans ce domaine, un club a fait figure de modèle : Independiente del Valle. En 2007, le club survit en seconde division, il est alors repris par un groupe d’investisseurs emmenés par Michel Deller. Le propriétaire des franchises KFC en Équateur arrive avec un nouveau modèle : « mettre en place une petite structure parfaitement organisée axée sur la formation et qui travaille selon les normes européennes. Nous privilégiions la partie humaine et le talent, qui devait attirer la convoitise de l’ensemble des autres clubs sud-américains ». Une incroyable politique de formation et de scouting est alors mise en place. Elle s’appuie notamment sur le joyau de l’Équateur, la bien nommée province d’Esmeraldas, pour dénicher les futurs talents, impose un processus de formation misant sur l’éducation et surtout, plafonne les salaires des joueurs de l’équipe professionnelle pour investir près d’un tiers du budget dans son académie, lui construisant un centre de formation ultramoderne. Et surtout s’appuie sur un savoir-faire : celui de l’Aspire Academy et son modèle espagnol avec qui des passerelles sont établies, Miguel Ángel Ramírez, entraîneur victorieux de la première Sudamericana en 2019 a passé six ans à l’Aspire Academy, étant même adjoint des U19 qataris et entraîneur principale de la sélection U14, Martín Anselmi l’homme de la deuxième Sudamericana était son adjoint. En devenant Independiente del Valle, le club change alors de dimension. Finaliste de la Libertadores 2016 en ayant scalpé River et Boca, le club de Sangolqui écrase les divisions de jeunes, remporte deux Copa Sudamericana en 2019 et 2022 et décroche son premier titre national en 2021. Mais surtout forme le nouvel Équateur. En 2015, la Tri U17 se hisse en quarts de finale de la Coupe du Monde de la catégorie. Dans ses rangs, cinq joueurs d’Independiente del Valle, dont Alan Franco, présent au Qatar cette année. Quatre ans plus tard, les U20 décrochent le Sudamericano et se hissent à la troisième place lors de la Coupe du Monde de la catégorie avec dans leurs rangs, Moisés Ramírez, Jackson Porozo, Gonzalo Plata, quand les U17 sont huitièmes de finaliste, avec parmi les neuf représentants du club, Piero Hincapié. Tous sont présents au Qatar. L’impact d’Independiente del Valle est immense : il n’existe aujourd’hui aucune équipe de l’élite équatorienne qui ne compte pas au moins un joueur passé par le centre de formation du club de Sangolqui et onze des vingt-six appelés pour représenter la Tri au Qatar sont soit formés, soit passés par le club negriazul. Les autres clubs ont rapidement suivi le mouvement, formant leurs nouveaux talents dont les performances rejaillissent sur les sélections de jeunes (Pervis Estupiñán, formé à la LDU, est présent dans la Tri U17 de 2015 ; José Cifuentes, formé à la Católica, Diego Palacios à Norte América et Aucas sont troisième mondiaux U20), et sur les clubs (l’Équateur est la seule nation à parvenir à lutter sur le continent face aux géants brésiliens et argentins).

alfaroPhoto : Stacy Revere/Getty Images

Objectif 2026 ?

Chahuté par l’improbable affaire Byron Castillo, l’un des grands absents de la sélection de Gustavo Alfaro, c’est donc un Équateur en phase de construction qui se présente au Qatar. Car au milieu des expérimentés Hernán Galíndez, Ángel Mena, Robert Arboleda ou encore le duo Alexander Domínguez - Enner Valencia, déjà présent au Brésil en 2014, seize membres de la sélection ont vingt-cinq ans ou moins, nombre d’entre eux seront titulaires. Arrivé au lendemain d’une année 2020 cauchemardesque pour le pays, entre l'improbable projet Jordi Cruyff / Antonio Cordón qui a fini par totalement déchirer la fédération, Gustavo Alfaro est donc arrivé pour lancer un nouveau projet et a parfaitement accompli la mission qui lui a été confiée de remettre en marche la sélection, s’appuyant ainsi sur quelques cadres, mais incorporant au fil du temps les nouveaux talents. 

Pour cela, l'Argentin a ms en place une redoutable machine dont l’impact physique et le jeu de transition ont fait et devraient faire encore des victimes (l’Uruguay et à la Colombie en ont fait la douloureuse expérience, le Brésil a été plus que fortement bousculé à Quito). La Tri s’appuie ainsi sur la vitesse de Pervis Estupiñán, Ángelo Preciado dans les couloirs (on peut même ajouter Diego Palacios), sur la solidité au milieu de joueurs tels que Moisés Caicedo, Jhegson Méndez ou José Cifuentes, sur le sens du jeu d’Alan Franco, l’incroyable capacité à perforer les défenses d’un Gonzalo Plata parfois utilisé comme dynamiteur de fin de partie, le sens du but d’Enner Valencia, Michael Estrada ou Ángel Mena. Ajoutez à celui de nouvelles certitudes défensives qu’elles n’avaient pas forcément jusqu’ici acquises lors des amicaux (l’Équateur n’a pas encaissé le moindre but lors des six amicaux disputés en 2022) et vous mesurez l’espoir que cette Tri peut générer au pays. Son match d’ouverture face au pays hôte et inspirateur de sa révolution sera ainsi essentiel pour continue de nourrir des ambitions au Qatar. Tout en pensant que cette nouvelle génération fera son apprentissage d’une phase finale de Coupe du Monde et n’en sera qu’encore plus redoutable dans quatre ans.

 

 

Photo une : Hugo Pfeiffer/Icon Sport

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.