Alors que les Jeux d'hiver commencent à Chamonix, le tournoi de Football Association se prépare avec des rencontres internationales, notamment un France-Belgique. Pendant ce temps-là, un homme voyage seul sur l’Atlantique.
Épisode 1 - Épisode 2
Les Jeux sont ouverts ! Voici les mots utilisés par Gaston Vidal pour proclamer l'ouverture des Jeux à Chamonix : « Je proclame l'ouverture des Sports d’Hiver de Chamonix, donnés à l'occasion de la célébration de la VIIIe Olympiade de l'ère moderne, sous le haut patronage du Comité International Olympique ». C’est une première qui ravit les pays nordiques qui dominent les compétitions. En 1924, la compétition aux Jeux d’hiver est essentiellement européenne même si on note la participation de concurrents américains et canadiens. Les Jeux sont organisés en trois temps : les sports d’hiver en janvier-février, le football association et le rugby en mai et les autres sports au mois de juillet. Ce n’est pas parce que ces sports sont pratiqués en dehors de la période principale estivale qu’ils ne font pas partie des Jeux, bien au contraire. Le tout est vu comme un ensemble, une année de fête. Annibal Gamboa se présente devant L’Auto en janvier en tant que capitaine de l'équipe de sports d’hiver de la République d’Argentine lors de son passage à Paris. Il indique quelques semaines avant la compétition : « Nous sommes décidés à décrocher le plus de victoires possibles et nous le pouvons en raison de la valeur de plusieurs de mes équipiers. En ce qui concerne le bobsleigh, sport familier pour moi, j'ai résolu de gagner coûte que coûte ! Rien ne m'arrêtera et les cinq camarades qui prendront place sur le traîneau partagent cette conviction. Nous nous lancerons à l'aventure. Advienne que pourra. Nous nous casserons peut-être quelque chose, mais nous arriverons en tête de course, ou alors...Voyez combien nous sommes résolus ! Mon jeune frère est un fervent adepte du ski. C'est un téméraire et un virtuose. Les précédents meetings auxquels il a participé dans les stations hivernales de France et de Suisse, lui ont permis d'affirmer ses qualités, de remporter quelques succès, d'accomplir aussi de belles performances. Les sauts de trente, voire même trente-sept mètres, sont tentés par lui avec le sourire... et j’ai confiance, là encore, pour Chamonix ! ». Malgré ces beaux discours, il n’y aura aucun participant Argentin à Chamonix. Aucun Anibal ou Annibal Gamboa n’est mentionné dans l’histoire olympique argentine. Ni lui, ni son frère, ne sont de la quatrième place en bobsleigh aux Jeux de 1928, meilleure performance sud-américaine de l’histoire aux JO d’hiver.
Un homme sur l’atlantique
Pendant ce temps-là, les potentiels participants au tournoi de football continuent de se préparer. Le 14 décembre, lors d’une réunion au siège de l’AUF, la Fédération Uruguayenne de Football a nommé un délégué, Casto Martínez Laguarda, également député du département de San José et directeur de la commission nationale d’éducation physique. Il est nommé pour être envoyé en Europe avec pour mission d’organiser des matchs d’une tournée, de préférence en Espagne ou en Italie. Cette tournée servirait à récolter des fonds pour financer le voyage de l’équipe et de l’encadrement, un voyage en bateau qui coûte extrêmement cher et qui dure très longtemps. Martínez Laguarda embarque le 10 janvier à bord du Re Vittoria dans l’espoir de trouver des équipes volontaires pour des rencontres internationales. Il bénéficie pour cela de quelques contacts au sein de la ligue basque, l’une des rares équipes européennes à avoir joué en Amérique du Sud jusqu’à présent, lors d’une tournée en 1922. La ligue Basque a profité de la bonne impression laissé aux Jeux d’Anvers en 1920 par certains de ses joueurs dans la sélection espagnole pour « s’exporter » avec la promesse d’un bon cachet en Amérique du Sud. Sauf que les Basques profitent trop du voyage et qu’ils tombent sur des équipes d’un niveau qu’ils n’avaient pas anticipé. Les Basques se font balader par une sélection argentine (0-4), puis par une sélection uruguayenne (0-4) entre d’autres matchs contre une sélection de Rosario, Santos ou Palmeiras. Casto Martínez Laguarda arrive le 31 janvier et se met immédiatement au travail pour organiser ces rencontres internationales primordiales pour que la Celeste puisse venir, car même si elle est décidée, la participation de l’Uruguay n’est pas encore financée.
L’équipe de France se prépare
En France, la sélection se prépare depuis l’automne en plus de l’organisation de matchs. La fédération française de football association (FFFA) veut être prête et forme une commission spéciale en vue de la préparation de l’équipe. La Fédération lui donne la feuille de route suivante : « Connaissant l'essentiel de nos ressources en joueurs, la Commission préolympique de la FFFA a maintenant devant elle la tâche suivante : connaître rapidement, grâce au jeu de l'organisme habituel et normal de la Commission de sélection fédérale, les joueurs se révélant cette année comme méritant l'attention et assurer ensuite l'amélioration technique des possibles footballeurs olympiens. C'est dans ce but qu'elle a pris les dispositions suivantes : création de cinq groupes territoriaux (Parie, Nord, Sud, Ouest, Est) de préparation olympique ayant chacun leur organisation propre et en liaison étroite avec la Commission préolympique. Dans chacun de ces groupes, les possibles joueurs olympiques seront suivis, conseillés, documentés par les personnalités désignées pour ce soin en vue des Jeux où ils pourront être appelés à figurer. Les mêmes personnalités chargées de régions effectueront toutes démarches et sollicitations nécessaires pour obtenir que les footballeurs voulus puissent se préparer et être à même de participer aux Jeux. À la disposition de chacun des groupements territoriaux, la Commission préolympique s'est préoccupée de préparer des moyens d'action. Les principaux sont les suivants : Services d'un entraîneur ; professeur professionnel anglais, qui séjournera un mois dans chaque territoire des groupes prévus après avoir pris contact avec la Commission et préparé son action à Paris ; utilisation d'un film éducatif préparé à cet effet par les services techniques du ministère de la Guerre avec la collaboration technique de la Commission ; conférences et causeries par des personnalités qualifiées à l'occasion des principaux matches interclubs et inter-régions de la saison ; causeries spécialement réservées aux footballeurs olympiques possibles et portant sur la technique du jeu, la connaissance pratique des règles essentielles du jeu, les notions élémentaires de préparation physique. Les résultats des efforts effectués pourront être jugés par la tenue de l'équipe de France au cours des matches figurant au programme de la saison. Les indications seront complétées par les données que fourniront les rencontres d'une équipe de France B, destinée à préparer et fournir le complément de joueurs aptes à être engagés dans les Jeux avec les titulaires qui seront désignés. L'équipe de France B jouera chaque fois que l'équipe de France A devra disputer un match international. Ses adversaires seront de races et techniques aussi variées que possible. En fin de période de préparation les deux onze ainsi entraînés, participeront à une journée dite préolympique au cours de laquelle, contre deux équipes de grande classe étrangères, on pourra juger des résultats obtenus et des derniers perfectionnements à réaliser ». Le projet est clair, la France doit faire bonne figure. Elle cherche à le faire en créant des groupes territoriaux et… en utilisant la vidéo.
France - Belgique
Autre point important du document, on ne parle pas de matchs amicaux. Les matchs organisés en dehors des tournois FIFA ne sont pas des amicaux. Parce qu’il n’y a pas encore de tournoi FIFA, ni UEFA d’ailleurs puisque l’UEFA mettra encore trente ans à voir le jour. Tous les matchs en dehors du tournoi ne sont donc pas des amicaux, ce sont des rencontres internationales, de premières valeurs, importantes. >Parfois de première importance, parfois avec une équipe B, cela dépend. Le France-Belgique qui se joue mi-janvier, dix-septième du nom, est de première importance pour les deux pays qui ont construit une rivalité au fil du temps. L'équipe de France espère donc faire bonne figure devant les champions olympiques de 1920. Les équipes sont composées par un comité de sélection.
Belgique : Debie ; Swartenbroeks, Verbecke ; A. Pierens, Van Haime, Schelstraete ; Elst, Gil-lis, Larnoë, Thy, Bastin.
France : Chayriguès ; Ballmann, Lenoble ; Dupoix, Domergue, Bonnardel ; Isbecque, Boyer, Renier, Gross et Dubly.
Arbitre : M. E. E. Small, de la F.A. d'Angleterre. Juges de touche : MM. Lamoureux (Belgique) et Henriot (France).
Pour des blessures réelles ou simulées, pour des raisons d'amour-propre mal compris, dans un esprit de vengeance contre le bureau fédéral, ceux que l'on considérait jusqu'à présent comme les meilleurs de nos internationaux ont fait défaut au Comité de sélection. Si le bureau fédéral le veut, il réussira bien à trouver les coupables. C'est là sa besogne. Espérons qu'il n'y faillira pas. Dans un accès de pessimisme, je me suis laissé aller, voici quelques jours, à prédire du 5 ou 6 à 0... C'est évidemment excessif. D'ailleurs (comme à la veille de toutes nos rencontres internationales), je commence à m'autosuggestionner et il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour me faire avancer que nous avons une petite chance de gagner...Mais il faut examiner le problème sans chauvinisme », écrit avec beaucoup de perspicacité Louis Gautier-Chaumet, une des plumes de L’Auto dans les pages football. Au-delà du pronostic, on voit l’un des problèmes des sélections de l’époque : les joueurs ne souhaitent pas nécessairement participer à une rencontre internationale « bénévole » alors qu’ils sont payés par leur club.
La France l’emporte sur le score de 2-0. Gautier-Chaumet devient « le célèbre pronostiqueur ». « Après le match, un banquet réunit les officiels et les joueurs des deux pays dans les salons du Palais d'Orsay, sous la présidence de M. Jules Rimet. Belges et Français sympathisèrent comme d'usage. Au dessert, M. Rimet ouvrit le feu des discours. Il amorça une controverse académique sur la définition de l'amateur, à laquelle M. Seeldrayers se prêta de bonne grâce. Une parfaite communauté de conception existe entre les Fédérations des deux nations. MM. Bastin, consul général de Belgique ; Marcel Delarbre, au nom de M. Henry Paté ; Evain, député de Paris ; Small, arbitre du match ; de Kenelaer du Neptune, pour la presse belge, prirent également la parole ». La saison internationale est lancée, la France et la Belgique ayant d’autres rencontres de prévues d’ici à la fin mai. Le débat sur l’amateurisme est bien prégnant, on en parle à chaque page. Chacun sait que les joueurs sont déjà payés par leur club. Partout, à New-York, Montevideo, Rome ou Madrid, des footballeurs se préparent pour le grand événement.