Devenu sélectionneur du Brésil en 1980, Telê Santana ne tarde pas à allier beau jeu et résultats, qui font du Brésil l’un des grands favoris pour la Coupe du Monde 1982.

En 1978, le Brésil est éliminé de la Coupe du Monde au second tour après la suspicieuse victoire 6-0 de l’Argentine sur le Pérou. La Seleção termine finalement troisième sans perdre le moindre match, ce qui fait dire au sélectionneur Cláudio Coutinho que le Brésil est le « champion moral ». Parallèlement entraîneur de Flamengo, qui commence à dominer le football brésilien grâce aux exploits de Zico, Cláudio Coutinho est maintenu en poste pour la Copa América 1979. Le technicien intègre de nouveaux joueurs, comme Éder, Júnior et Sócrates. Lors du premier tour, le Brésil termine en tête du groupe, éliminant l’Argentine à la suite d’un 2-2 entre les deux équipes, match marqué par deux expulsions et un doublé de Sócrates. En demi-finales, le Brésil est éliminé au Maracanã par le futur vainqueur, le Paraguay. Malgré cette nouvelle déception, Cláudio Coutinho garde une belle côte auprès des suiveurs du football brésilien. Une enquête de Placar auprès de cent-sept journalistes, joueurs et entraîneurs, montre que cinquante-huit souhaitent le maintien en poste de Coutinho, contre treize qui espèrent voir Evaristo de Macedo à la tête de la Seleção. Telê Santana ne reçoit lui que quatre voix, notamment celle de Dadá Maravilha, avec qui il remporte le Brasileirão 1971.

Telê nouveau sélectionneur

Cláudio Coutinho est pourtant démis de ses fonctions et le nom de Telê Santana revient avec plus d’insistance pour le remplacer. Telê ne semble pourtant pas intéressé par le poste, déclarant quelques jours après la Copa América au Jornal da Tarde : « Prenez une photo de Coutinho avant la Coupe du Monde et comparez avec une de maintenant. Observez comment il a vieilli rapidement. […] Je ne veux pas la même fin. […] Il y aura toujours des critiques et du régionalisme, les erreurs sont interdites même lors des premiers tests. Sincèrement, je souhaite ne jamais être entraîneur de la Seleção ». Originaire du Minas Gerais, Telê Santana effectue la quasi-totalité de sa carrière à Fluminense et est considéré comme l’un des plus grands joueurs à n’avoir jamais porté le maillot de la Seleção. Peu après sa retraite de joueur, il devient entraîneur et accumule les succès à Fluminense et l’Atlético Mineiro. Après un premier passage plus contrasté à São Paulo en 1973, Telê Santana retrouve le chemin des titres avec Grêmio. Il dirige ensuite Palmeiras et est opposé à Cláudio Coutinho lors d’un match contre Flamengo dans le Brasileirão 1979. Au Maracanã, Palmeiras écrase Flamengo 4-1 et file vers les demi-finales. Telê Santana semble être le successeur idéal de Coutinho à la tête de la Seleção et fait presque l’unanimité. Une enquête de O Estado de S. Paulo auprès de deux-cent-vint-et-un journalistes le désigne comme meilleur entraîneur du Brésil avec cent-quatre-vingt-dix-sept voix !

La nouvelle Confédération Brésilienne de Football, présidée par le civil Giulite Coutinho, s’appuie sur cette enquête et l’opinion populaire pour offrir le poste à Telê Santana, qui symbolise également un vent de fraîcheur et de liberté à l’approche d’un retour à la démocratie au Brésil. Telê Santana fixe ses exigences, notamment être « sélectionneur permanent » alors que tous les sélectionneurs précédents entraînaient un club brésilien en parallèle. Il souhaite avoir du temps pour observer le plus de joueurs possibles, notamment ceux en dehors l’axe Rio – São Paulo, traditionnellement oubliés en sélection, et veut également agir en totale autonomie pour convoquer les joueurs, déclarant à Placar : « Je n’accepte les suggestions de personne, pas même de mon père ». Le 12 février 1980, la CBF annonce Telê Santana comme nouveau sélectionneur, il est assisté de Vavá, ancien avant-centre de la Seleção double championne du monde, ainsi que de Gilberto Tim et Moraci Sant’Anna à la préparation physique. Telê Santana devient le premier sélectionneur permanent du Brésil, pour un salaire relativement modeste, Mário Zagallo touchant trois fois plus sur le banc du Vasco.

Dès sa première conférence de presse, Telê affiche ses ambitions et son caractère, notamment lorsqu’un journaliste lui demande combien de langues il parle, en comparaison à son prédécesseur polyglotte, Cláudio Coutinho. « Seulement le langage mineiro », répond Telê en hommage à son État natal. Telê souhaite dépasser les rivalités régionales et annonce que personne n’est intouchable : « Tous les joueurs sont convocables. Mon équipe sera faite d’ouvriers et non de vedettes. Celui qui veut une place dans mon équipe devra travailler tout le temps. […] Dans la sélection, personne ne sera privilégié. Je ne vais pas convoquer un joueur seulement parce que je l’apprécie. Ce qui comptera, c’est la phase du moment, si c’était le passé, j’appellerais Nílton Santos, Djalma Santos et Pelé ». « Si je trouve que les onze meilleurs joueurs du Brésil sont de Piauí, je vais convoquer le onze de Piauí », ajoute Telê, qui n’entend pas être gêné par les dirigeants de la confédération, comme cela a pu être le cas avec des sélectionneurs précédents : « S’ils ne me laissent pas faire ce que je pense, je m’en vais, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois ». L’ancien entraîneur de Palmeiras veut également poursuivre la modernisation du football initiée par Cláudio Coutinho : « Il faut augmenter le rythme des actions, sortir rapidement de la défense vers l’attaque. Le football moderne exige un plus grand mouvement et nous allons nous adapter. […] Chaque joueur aura une fonction, tant en attaque qu’en défense ».

Photo : Duncan Raban/Allsport/Getty Images

Pour sa première convocation, Telê Santana laisse de côté Jorge Mendonça et Emerson Leão, avec qui il avait été en conflit lors de ses passages en clubs. « J’ai cherché à convoquer des joueurs disciplinés tactiquement, capables de s’adapter à mon schéma, mais j’ai aussi pensé à des joueurs avec un comportement correct lors des mises au vert et avec les autres joueurs. Sur ce point, je serai intransigeant, je n’accepterai pas des actes d’indiscipline », explique Telê, qui convoque en revanche Reinaldo, le polémique attaquant de l’Atlético Mineiro : « Reinaldo est un joueur qui évolue près du but, il est toujours dans la surface et c’est ce que je veux pour mon avant-centre ». Telê Santana pointe également un problème qui sera récurrent jusqu’à la Coupe du Monde 1982 : l’absence d’un candidat crédible au poste d’ailier droit. « L’aile droite est la position la plus nécessiteuse, il n’y a pas de joueurs qui se démarquent », souligne Telê, qui titularise pour son premier match l’ailier-droit de Grêmio, Tarciso. Face à une équipe de jeunes qui remporte deux mois plus tard le Tournoi de Toulon, le premier onze de Telê s’impose 7-1, avec notamment des doublés de Reinaldo et Zico alors que Tarciso déçoit et est sifflé par le public. Lors du match suivant, remporté 4-0 face à une sélection mineira, Telê teste sur le côté droit, sans plus de succès, l’ailier gauche Zé Sérgio. « Le supporter brésilien n’oublie pas Garrincha et pense que la Seleção doit toujours avoir un ailier comme lui. Il faut vivre avec l’évolution du football, qui ne permet plus aux joueurs d’avoir des postes fixes, principalement en attaque », juge Telê Santana.

Cap’tain Sócrates

Telê Santana change également les méthodes d’entraînements avec le retour des matchs d’entraînement, abandonnés sous Cláudio Coutinho. « Les concepts de Telê étaient très différents de ceux de Coutinho. Coutinho était plus théorique, il aimait la partie tactique. Avec Telê, on faisait des matchs d’entraînement quasiment tous les jours. Quand on était à la Toca da Raposa à Belo Horizonte, on jouait contre les jeunes de Cruzeiro, Atlético, América. Grâce à ça, l’alchimie de l’équipe était très bonne », explique Zico dans le livre As melhores seleções brasileiras de todos os tempos de Milton Leite. « En plus de tout comprendre au football pour avoir été un grand joueur, il était perfectionniste et exigeant. Il répétait mille fois les actions, il connaissait parfaitement les espaces à utiliser sur le terrain », complète Júnior. Pour le premier match officiel, contre le Mexique au Maracanã, Telê nomme Sócrates capitaine, dont il admire le « leadership quasi silencieux ». « Je savais qu’il me confiait une grande responsabilité. J’avais toujours rêvé de jouer pour le Brésil, mais sans imaginer qu’un jour j’assumerais un rôle aussi prestigieux. Ce brassard jaune et vert était un poids et un honneur. Malgré l’appréhension, je m’en sentais fier. C’était une marque de confiance, je devais être à la hauteur », explique Sócrates dans le livre Docteur Socrates d’Andrew Donnie.

Pour le livre Sócrates Eterno de Kátia Bagnarelli, le grand frère de Raí revient plus longuement sur sa rencontre avec Telê : « En entrant dans le hall de l’hôtel, j’avais vu quelques personnes assises à ma droite et je suis allé vers eux pour les saluer. Telê était là, j’ai vu qu’il s’habillait simplement et était assis confortablement et discrètement. Quand il m’a vu, il a eu un large et timide sourire et s’est levé pour se rapprocher. Nous nous sommes serré la main, son regard était profond et incisif, il dégageait une confiance absolue. […] Je ne pouvais pas ne pas le comparer à mon père. J’ai su à partir de cet instant qu’on allait bien s’entendre. Les individus qui ont comme qualités la sagesse et la sincérité facilitent les relations, même dans des positions hiérarchiques différentes. Dans ce cas, les relations sont toujours honnêtes et transparentes ». Le Brésil bat le Mexique 2-0, mais s’incline lors du match suivant face à l’URSS, voyant s’arrêter une invincibilité de douze ans et quarante-trois matchs officiels au Maracanã. « Personne ne devrait donner de l’importance à cette défaite contre l’URSS. Nous avons mal joué, nous étions très loin les uns des autres, en défense, au milieu et en attaque. […] Nous sommes encore dans une phase de tests et nous sommes sûrs que lorsque les choses vont être un peu plus ajustées, personne ne va nous battre », juge Sócrates, qui joue lors de ce match dans une position de faux-ailier.

Le match contre l’URSS met cependant en évidence l’absence d’un ailier-droit dans l’équipe titulaire, ce qui donnera naissance à l’expression « Mets un ailier, Telê ! » de l’humoriste Jô Soares. Telê Santana teste ensuite le milieu Paulo Isidoro en position de faux-ailier avec un certain succès alors que Zico, qui avait raté un penalty contre l’URSS, marque face au Chili et la Pologne. À la demande de Telê, le Brésil enchaîne les matchs amicaux afin de travailler les automatismes et prend sa revanche de la Copa América 1979 avec une victoire 6-0 sur le Paraguay, Zico clôturant la marque d’un magnifique lob. La Seleção conclut l’année 1980 sur un nouveau succès, 2-0 face à la Suisse, match où le flanc droit est occupé par Tita. À l’image de Paulo Isidoro, Tita est attiré par le centre et évolue dans un poste de faux-ailier.

Mundialito en Uruguay

En 1981, la FIFA organise le Mundialito afin de fêter le cinquantenaire de la Coupe du Monde et invite les six pays déjà champions du monde pour un tournoi en Uruguay. L’Angleterre décline l’invitation et est remplacée par le double finaliste de la Coupe du Monde, les Pays-Bas. Le Brésil est privé des blessés Zico et Reinaldo, ainsi que de Falcão, qui n’est pas libéré par la Roma. Telê aligne ainsi en attaque un trio Tita – Renato – Zé Sérgio en soutien de Sócrates, positionné en faux-neuf. Le Brésil débute face à l’Argentine, qui aligne huit champions du monde et deux vainqueurs du Mondial U20, Diego Maradona et Ramón Díaz. Diego Maradona ouvre le score, mais Edevaldo permet au Brésil d’obtenir le match nul, de quoi rendre Telê satisfait d’une équipe qui n’a pas été « lâche ou retranchée ». Le gardien Carlos se blesse et le sélectionneur brésilien est autorisé à appeler un gardien supplémentaire. Il surprend en appelant Valdir Peres, laissant de côté celui qui est probablement le meilleur gardien brésilien de l’époque, Emerson Leão. « Je convoquerais Leão seulement pour être titulaire, jamais comme remplaçant », se justifie Telê, qui se passe également de l’expérimenté Raul Plassmann après un conflit entre les deux hommes lors d’un entraînement.

Pour se qualifier en finale, la Seleção doit battre l’Allemagne de l’Ouest, privée de Paul Breitner et Bernd Schuster, par deux buts d’écart. Une nouvelle fois, le Brésil concède l’ouverture du score, une nouvelle fois le Brésil réagit. Júnior égalise sur coup franc, Toninho Cerezo met le Brésil devant et la Seleção s’impose finalement 4-1 avec des réalisations de Serginho Chulapa et Zé Sérgio. « Cela a été une démonstration de football », juge Zico, relégué pour cette compétition au simple rang de spectateur. Le Brésil affronte l’Uruguay en finale pour une répétition du match décisif de la Coupe du Monde 1950, cette fois au Centenario. Comme en 1950, l’Uruguay s’impose 2-1, malgré l’égalisation sur penalty en fin de match de Sócrates. « Nous avons perdu la finale contre l’Uruguay, mais nous sommes revenus avec la conviction que cette équipe allait impressionner », estime Júnior, nommé dans l’équipe-type du tournoi en compagnie de Toninho Cerezo, qui revient pour sa part pour Gazeta Esportiva sur son rôle dans l’équipe : « On m’a traité d’irresponsable tactique, mais j’ai joué comme cela seulement parce que l’entraîneur me l’a permis et cela a fonctionné. Je joue plus libre, je peux créer en venant de derrière. […] D’autres disent que le milieu de terrain de la Seleção sera composé de Batista, Falcão et Zico. On verra, c’est l’entraîneur qui décide ».

Le futebol-arte présent dès les éliminatoires

Pour le début des éliminatoires, Telê conserve le groupe du Mundialito, réintégrant les blessés Zico et Reinaldo et confirmant Valdir Peres comme gardien titulaire. Le Brésil débute face au Venezuela et s’impose 1-0 sur la difficile pelouse de Caracas. « Là-bas, on pouvait jouer à tout sauf au football. On a joué sur un pâturage et on a eu deux joueurs expulsés avec Paulo Isidoro et Zé Sérgio. On a réussi à marquer un but sur penalty, mais c’était impossible de jouer au ballon sur ce terrain », explique Zico, auteur du seul but du match. Une semaine plus tard, en amical contre l’Équateur, Telê aligne pour la première fois au milieu de terrain le trio Cerezo – Sócrates – Zico. Telê titularise sur les ailes Éder et Tita, transformant le 4-2-3-1 en phase défensive en un 4-1-4-1 lorsque l’équipe a le ballon. Porté par les doublés de Sócrates et Reinaldo ainsi que le grand match de Zico, le Brésil offre un spectacle de football et s’impose 6-0.

La Seleção poursuit sa route vers la Coupe du Monde avec un déplacement en Bolivie, qui rêve de répéter l’exploit de la Copa América 1979 lorsqu’elle avait battu le Brésil à La Paz. Grâce à de nouvelles réalisations de Sócrates et Reinaldo, le Brésil s’impose 2-1 dans un match difficile. « La victoire en Bolivie a été difficile, dramatique du début jusqu’à la fin du match. Tous les joueurs ont été importants, mais pour Telê, il y avait un joueur qu’il a spécialement complimenté, Éder, qui après l’expulsion de Cerezo, a exécuté la double fonction d’attaquer et de défendre sur le côté gauche. À partir de ce jour, Éder a été le titulaire à l’aile gauche à la place de Zé Sérgio », écrit André Ribeiro dans le livre Fio de Esperança, biografia de Telê Santana. En amical, le Brésil bat le Chili sans réellement convaincre, grâce à des buts de Zico et Reinaldo. « Une nouvelle fois, la sélection brésilienne affichait un déséquilibre tactique. Sans le ballon, l’équipe n’occupait pas les espaces avec la même efficacité et le même éclat que quand elle avait le ballon », jugent Gustavo Roman et Renato Zanata dans le livre Sarriá 82, o que faltou ao futebol-arte ?.

Le Brésil reprend le chemin des éliminatoires avec un match face à la Bolivie devant plus de 121 000 spectateurs au Maracanã. Le Brésil ouvre le score sur un penalty de Zico provoqué par Reinaldo, également impliqué sur le deuxième but, puisque son ballon sur la barre transversale est suivi par Zico, qui s’offre un doublé. Présent aux commentaires, Pelé met en avant le « dribble court » de Reinaldo et le compare à son ancien coéquipier Coutinho. Le Brésil s’impose finalement 3-1, Zico ajoutant un troisième but personnel à cinq minutes de la fin du match d’un magnifique coup franc en lucarne. En fin de contrat, Telê Santana demande une augmentation salariale et reçoit le soutien du public de Serra Dourada, où se joue le dernier match des éliminatoires. Déjà qualifié, le Brésil offre une nouvelle leçon de football et bat le Venezuela 5-0, avec notamment un doublé de Tita, qui se plaint pourtant de son positionnement : « Cela a été mon dernier match sur l’aile droite. Maintenant, je vais me battre pour jouer au milieu ». Interrogé à propos de cette déclaration, Telê, qui prolonge finalement son contrat avec l’augmentation salariale exigée, dit simplement : « Ah ? Il a dit ça ? ». Tita n’est plus jamais convoqué par Telê et ne participe donc pas à la Coupe du Monde, laissant le côté droit toujours incertain. « Cela a été une perte pour le joueur et la sélection brésilienne, car le duo Leandro – Tita aurait été un excellent renfort technique et tactique sur le côté droit du terrain pour la Coupe du Monde », jugent Gustavo Roman et Renato Zanata.

Un an avant l’Espagne, le Brésil brille déjà en Europe

Le Brésil termine les éliminatoires avec quatre victoires en autant de matchs et onze buts marqués, dont cinq pour le seul Zico. Un mois plus tard, la Seleção part en tournée européenne, sans son avant-centre Serginho, officiellement pour une opération des amygdales, officieusement en raison de son expulsion lors de la finale du Brasileirão 1981, où il agresse le gardien Emerson Leão. « Ce n’est pas du football, ce qu’il a fait est lamentable. Le football exige, avant tout, de savoir contrôler ses pulsions de violence même dans les moments difficiles », réagit alors Telê, qui titularise en pointe trois attaquants différents lors des trois matchs en Europe : Reinaldo, César et Baltazar. Le Brésil débute par une victoire 1-0 sur l’Angleterre, grâce à un but de Zico. « Leur gardien avait l’habitude de placer sa serviette dans le coin droit du but. Quand le ballon a rebondi, je me suis retourné, j’ai visé la serviette et j’ai tiré. Cela m’a servi de point de référence », explique Zico. Le Brésil devient la première équipe sud-américaine à battre l’Angleterre à Wembley et enchaîne avec une victoire 3-1 au Parc des Princes contre la France, privée de Michel Platini et Dominique Rocheteau. Au cours du match, Zico marque son cinq-centième but en carrière et le dédie à Pelé, présent en tribunes et qui vient d’être élu « Sportif du siècle » par L’Équipe. « C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à m’appeler le Pelé Blanc, mais j’y ai vite mis fin car cela te donne une responsabilité avec une comparaison qui n’a rien à voir. Les Français aimaient cela, ils admirent le football brésilien », rappelle Zico dans le livre Zico, 50 anos de futebol de Roberto Assaf et Roger Garcia. Le sélectionneur français Michel Hidalgo rend effectivement hommage à la Seleção : « En jouant comme cela, le Brésil sera champion du monde, ou du moins, il est mon favori ».

Le Brésil conclut la tournée par une victoire 2-1 sur l’Allemagne de l’Ouest malgré l’ouverture du score de Klaus Fischer. Valdir Peres arrête à deux reprises le penalty de Paul Breitner et s’impose comme un titulaire crédible pour la Coupe du Monde alors que le latéral-gauche Júnior marque un nouveau but après celui inscrit contre le Venezuela. Le Brésil brille aux yeux de l’Europe et devient le grand favori pour la Coupe du Monde. « Le meilleur onze du monde » titre le Bild alors que Telê se montre satisfait de la tournée : « Évidemment, les résultats positifs nous intéressent toujours. Cependant, l’aspect fondamental est que nous montrons une évolution graduelle et une maturité croissante. Et ne me parlez pas des forfaits des autres, l’Angleterre a fait contre nous son meilleur match que j’ai vu dernièrement et la France est pour moi l’équipe européenne qui pratique le football le plus technique ». Trente ans plus tard, Zico explique : « On a eu plus de visibilité avec la tournée en Europe. On a fait trois matchs brillants, à Londres, Paris et en Allemagne. C’est logique que cela a ouvert les yeux à beaucoup de monde sur notre équipe. […] C’est là-bas qu’ont pratiquement été définis le schéma tactique, la façon de jouer, le groupe ».

Une équipe (presque) définie

Le Brésil affronte un quatrième prestigieux adversaire européen, l’Espagne, cette fois à la Fonte Nova de Salvador. Telê Santana se passe de Reinaldo, avançant « une vie extra-sportive incompatible avec sa profession ». Le polémique attaquant de l’Atlético Mineiro est un habitué des soirées festives et fête ses buts le poing levé à la manière des Black Panthers, ce qui déplaît jusqu’aux plus haut des instances de la dictature militaire encore en vigueur au Brésil. En l’absence de Reinaldo, l’avant-centre Baltazar inscrit le seul but de la rencontre face à l’Espagne et marque des points. Le match suivant face au Chili se termine sur un décevant 0-0 et le poste d’avant-centre continue d’interroger. « Reinaldo est pour moi quasiment irremplaçable, mais il faut qu’il soit dans sa meilleure forme physique et technique », déclare Telê Santana pour O Estado de S. Paulo. Telê Santana titularise ensuite le méconnu Roberto Cearense à la pointe de l’attaque lors de la large victoire 6-0 sur une équipe composée de joueurs irlandais, match marqué par le quadruplé de Zico et la première sélection de Leandro, qui entre en jeu à la place de Perivaldo au poste d’arrière-droit. « Quand Leandro a eu sa chance avec Telê, plus personne n’a eu de doute que c’était le mec qu’il nous fallait à ce poste », explique Júnior dans le livre As melhores seleções brasileiras de todos os tempos de Milton Leite.

Pour le dernier match de l’année 1981, Telê Santana aligne en tant qu’avant-centre Roberto Dinamite, dont la dernière sélection remontait à plus de deux ans. Le buteur de Vasco ouvre le score sur une passe de Zico, puis provoque un penalty, transformé par Zico. Leandro marque le troisième et dernier but du match après une somptueuse ouverture de Sócrates. Telê Santana anticipe la suspension de Toninho Cerezo pour le premier match de la Coupe du Monde et annonce déjà son onze probable pour le match d’ouverture : « Si personne ne se blesse, ce sera la même équipe qui a battu la Bulgarie avec Falcão à la place de Cerezo : Valdir Peres, Leandro, Oscar, Luisinho, Júnior ; Falcão, Sócrates, Zico ; Paulo Isidoro, Roberto Dinamite et Mário Sérgio ». Il reste alors au Brésil et à Telê Santana un peu plus de sept mois pour présenter la meilleure équipe possible pour la Coupe du Monde.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.