25 janvier 2010, la nouvelle affole les médias mexicains : Salvador Cabañas, le buteur d’América est entre la vie est la mort après une terrible agression à l’arme à feu survenue dans un bar de Mexico. Le goleador paraguayen en sortira miraculé, mais sa carrière est terminée.

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La nouvelle star du Paraguay

Salvador Cabañas est né à Itauguá au Paraguay et débute sa carrière professionnelle au pays, à 12 dOctubre alors qu’il n’a que dix-huit ans. Très vite, ses qualités de buteur s’expriment. En onze matchs, le gamin a déjà marqué à quatre reprises. L’année suivante, il fait une pige à Guaraní, marque sept buts en vingt matchs et décide alors de revenir dans son premier club avant de céder aux sirènes étrangères après avoir inscrit dix-huit buts en première division paraguayenne (en moins de 50 matchs). À 21 ans, celui qui deviendra el Mariscal se retrouve à la pointe de l’attaque d’Audax Italiano. Avec les Tanos, sa carrière décolle. Pendant deux saisons, il affole la Primera División chilienne, termine meilleur buteur de l’Apertura 2003 et marque 29 fois en 52 apparitions. Impossible alors de passer inaperçu, les puissants mexicains l’ont repéré, la suite de sa carrière se déroulera plus au nord.

À la surprise générale, il s’engage alors avec la nouvelle franchise des Jaguares, celle qui quelques années plus tard fera exploser un certain Jackson Martínez. Le temps de s’adapter, Chava fait franchir un cap aux Jaguares qui terminent en tête du classement en 2006. Appelé en équipe nationale pour la Coupe du Monde allemande (il ne jouera aucun match), Chava va alors prendre son envol en signant à América. À la pointe des Águilas, Cabañas ne s’arrête plus, sa progression est linéaire, impressionnante, ses qualités techniques et son sens du but éclatent au grand jour. En 2007, il écrase la Copa Libertadores de ses dix buts. Trente-six buts en douze mois plus tard, il est élu meilleur joueur sud-américain de l’année 2007 et fait partie de l’équipe type du continent pendant les deux saisons suivantes. Ses exploits lui font alors gagner la sélection. Barré par Cardozo et Santa Cruz, il finit par prendre place dans le Paraguay de Tata Martino et termine meilleur buteur de la sélection lors des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2010. Au sommet de son art, Salvador Cabañas s’apprête alors à conquérir le monde.

25 janvier 2010, l’agression

Alors que le tournoi mexicain vient de reprendre (Chava s’est offert un doublé en ouverture), Salvador Cabañas se rend avec femme et amis au Bar Bar, l’un des endroits favoris des célébrités locales mais aussi des hommes troubles. Alors qu’il se rend aux toilettes, il croise alors José Jorge « el JJ » Balderas Garza et sa bande.

« - Salvador Cabañas ?

- Oui, que puis-je pour toi ?

- Rien, tu voles les mexicains

- Je ne vole personne. Je viens travailler ici c’est tout. Pour gagner de l’argent car j’en ai besoin.

- Plus maintenant, car c’est ton dernier jour. Fais tes prières car tu vas mourir. »

El JJ sort son pistolet, Cabañas se débat mais il reçoit une balle en pleine tête. Emmené dans un hôpital privé de la ville, Cabañas passe deux mois à lutter pour sa survie. Le miracle se produit. Porté par sa hargne, Chava sort miraculeusement vivant de l’horreur et gardera la balle dans sa tête. Même s’il se bat pour revenir sur les terrains, Salvador Cabañas ne retrouvera jamais son niveau. Ses rêves de Coupe du Monde envolés, sa carrière est brisée. La justice mexicaine mettra un an pour retrouver son agresseur (Balderas Garza est arrêté le 18 janvier 2011 pour sa probable participation au Cartel de los Beltrán Leyva) qui donnera ensuite des interviews à la télévision dans lesquelles il niera être l’auteur du tir. Il faudra attendre près de sept ans pour que JJ soit condamné de ses actes. Il sera condamné à vingt ans d’emprisonnement dans une prison de haute sécurité. De son côté, Salvador Cabañas va connaître une longue période au fond du trou.

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De l’oubli à la lumière

Cabañas quitte alors le Mexique et revient au pays après un passage en Argentine. Deux ans plus tard, alors que sa vision et sa mémoire ont été affectées à jamais par une balle toujours présente dans sa tête (l’opération de son retrait étant jugée trop dangereuse), il tente un retour à 12 de Octubre puis dans d’autres clubs de division inférieure paraguayenne sans réel succès. Le terrain lui manque, lui qui reconnaît « ne plus regarder de football tant cela lui donne envie de revenir sur un terrain » tente une dernière pige en Brésil en avril 2014 à Tanabi, club de quatrième division de l’état de São Paulo, après un nouvel échec à 12 de Octubre. Pour sa première apparition, il manque un penalty et, se sentant à court de forme, décide finalement de stopper sa carrière. Lui qui affirme avoir signé un précontrat avec une équipe européenne juste avant la tragique agression (les rumeurs ont parlé de Manchester United) va subir une deuxième tragédie. Victime de son ex-femme et de son agent qui lui ont volé tous ses biens, Salvador Cabañas rentre à Itauguá et travaille à la boulangerie familiale. Ruiné, il espère un procès pour récupérer son argent disparu de ses comptes. « Je me lève à 4 heures du matin et distribue le pain autour d’Itauguá. Les gens me reconnaissent et me parlent de football ». En 2016, sur son compte Facebook, Cabañas publiera un message de pardon à son agresseur : « Je n’ai aucune rancœur en vers la personne qui m’a tiré dessus, j’ai connu bien des choses mais ce qui me manque le plus est de jouer au football et de défendre les couleurs de l’América et de ma sélection. Mais grâce à ce drame, je me suis rendu compte que mon épouse ne s’intéressait à moi que pour mon argent, m’a tout volé alors que je me débattais avec la vie, et que je n’ai pas d’amis car quand je me suis retrouvé sans un sou, tous ceux qui se disaient mes amis sont partis avec. Chaque jour, je remercie Dieu de m’avoir fait vivre cela et me faire comprendre que l’argent n’est pas tout dans la vie ». Mais rien ne peut empêcher l’Aigle de reprendre son envol.

En 2017, on le retrouve entraîneur auprès des jeunes du Deportivo Capirotada au Paraguay. Il profite d’un passage au Mexique où il est invité pour son entrée dans le Hall of Fame du Sport à Toluca, pour taper de nouveau dans le ballon à l’occasion d’un match caritatif pour venir en aide aux victimes du séisme qui a frappé le pays. Il annonce alors qu’il ne jouera plus au football, même pas pour des matchs de solidarité. Impossible.

Un an plus tard, on le retrouve au Deportivo Aragón pour un match en Liga Mayor Benito Juárez de Oaxaca face aux Tigres Dorados. Son histoire d’amour avec le Mexique s’écrit alors de nouveau. Début 2019, Chava ouvre une école de football à Cuemanco, sa deuxième après l’académie qu’il a ouverte au Paraguay. La Cantera México a pour objectif de former des jeunes pour les amener vers la Primera División mais surtout de les éloigner « des vices, de les maintenir sain et les aider dans leur formation et leur développement. J’espère que plus d’enfants viendront pour apprendre bien des choses, notamment à valoriser la vie, ce qui est le plus important », dira Cabañas. Quelques semaines plus tard, on le retrouve dans le staff des Cafetaleros de Chiapas, dans la ville où son histoire mexicaine avait commencé. Aux côtés de Gabriel Pereyra, Chava a pour mission d’aider les Cafetaleros à accéder à l’élite mexicaine. Le club manquera la Liguilla d’un point. Parti avec le staff en fin d’année, nul doute que l’Aigle paraguayen n’a pas encore fini de voler.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.