Début 1978, São Paulo vient à bout du favori, l’Atlético Mineiro, pour remporter le premier Brasileirão de son histoire, avec un avant-match resté dans l’histoire du football brésilien.

bandeauedition

Rubens Minelli, né en 1928 à São Paulo, a marqué l’histoire du football gaúcho, notamment à l’Internacional, qu’il rejoint en 1974 comme entraîneur. Cette année-là, l’Internacional remporte le championnat gaúcho avec le bilan parfait de dix-huit victoires en dix-huit matchs, appliquant une philosophie où « tout le monde doit attaquer et tout le monde doit défendre ». L’Internacional conserve son titre en 1975 et 1976, années où le club colorado remporte également le Brasileirão, perdant sur le total des deux championnats nationaux seulement six de ses cinquante-trois matchs. minelliEn 1977, Rubens Minelli retourne dans sa ville natale et signe au São Paulo FC où il avait remporté le tournoi Roberto Gomes Pedrosa, ancêtre du Brasileirão, avec Palmeiras en 1969. « Rubens Minelli a changé le football brésilien au niveau tactique, au niveau des entraînements, du jeu placé, il était très organisé. Il a été pour moi l’un des meilleurs entraîneurs du Brésil », nous explique par téléphone Muricy Ramalho, joueur de São Paulo en 1977 puis entraîneur du club au milieu des années 2000.

Le Brasileirão 1977 commence seulement au mois d’octobre en raison de championnats d’État à rallonge, au cours desquels le Corinthians a notamment mis fin à une disette de vingt-trois ans dans le championnat paulista. Malgré un début tardif, le Brasileirão 1977 se dispute entre soixante-deux équipes, la dictature militaire au pouvoir poussant la CBD à inclure de plus en plus de clubs des différentes régions du pays au sein de l’élite du football national. Les clubs sont divisés en six groupes de dix ou onze équipes et São Paulo débute le championnat par une victoire 1-0 sur le terrain de Náutico avec un but de Serginho Chulapa, lancé en professionnel en 1973 par un certain Telê Santana et qui effectue cette année-là un court passage au São Paulo FC avant de revenir écrire son histoire dans les années quatre-vingt-dix. São Paulo termine deuxième de son groupe à deux points de Palmeiras alors que la meilleure équipe de la première phase est l’Atlético Mineiro, qui remporte huit matchs pour un seul match nul et aucune défaite.

Duel de buteurs

Pour la deuxième phase, trente équipes sont divisées en six groupes de cinq. Après Palmeiras lors du premier tour, São Paulo retrouve un autre rival pauliste, le Corinthians, contre lequel le Tricolor s’incline également 2-0. São Paulo se rattrape avec des victoires 5-0 sur Brasília puis 4-1 contre l’ancien club de Rubens Minelli, l’Internacional, Serginho Chulapa s’illustrant à chaque fois d’un doublé. São Paulo valide sa qualification pour le tour suivant grâce à un match nul contre l’America alors qu’une nouvelle fois, l’Atlético Mineiro est la meilleure équipe de la phase avec quatre victoires en autant de matchs. Le Galo possède un attaquant encore plus redoutable que Serginho Chulapa en la personne de Reinaldo, qui a marqué lors de douze des treize matchs du championnat, dont un quintuplé contre Fast Clube !

Le troisième tour débute en 1978 et comprend quatre groupes de six clubs, où seul le premier se qualifie pour les demi-finales. Dans le groupe U, São Paulo débute par une victoire 4-2 sur XV de Piracicaba avec un nouveau doublé de Serginho Chulapa, qui récidive lors de la victoire sur la Ponte Preta. São Paulo affronte ensuite le Botafogo de Ribeirão Preto, qui ouvre le score grâce à sa star Sócrates. En toute fin de match, Serginho Chulapa pense égaliser, mais le juge de touche signale un hors-jeu discutable. Serginho Chulapa donne alors un coup de pied au juge de touche, lui ouvrant même le tibia sur dix centimètres ! Serginho est suspendu pour le match contre Sport, gagné difficilement par São Paulo, et revient pour le dernier match face à Grêmio avant son jugement définitif par le Tribunal de Justica Desportiva. São Paulo valide son ticket pour les demi-finales grâce à un succès 3-1 sur Grêmio et des buts de Getúlio, Serginho Chulapa et Mirandinha. Avec quatorze buts marqués et huit buts encaissés, São Paulo termine meilleure attaque de la troisième phase aux côtés de l’Atlético Mineiro, qui impressionne également de son côté en défense avec seulement deux buts encaissés. Le Galo n’a toujours pas perdu au cours du championnat et Reinaldo continue sur sa lancée avec six buts en cinq matchs.

Suspensions et coup de bluff

Contre la surprise Operário, du gardien vétéran Manga, âgé alors de quarante ans, São Paulo fait la différence dans le dernier quart d’heure dans un Morumbi plein à craquer avec 109 594 spectateurs, record du stade pour un match du Brasileirão. Sur trois coups de pied arrêté, la préparation de Rubens Minelli paye et São Paulo s’impose 3-0 avec un doublé de Serginho Chulapa et un but de Neca. Dans le même temps, face à Londrina, qui reste sur sept victoires consécutives, l’Atlético Mineiro s’impose 4-2 avec un penalty de Ziza puis un triplé parfait de Reinaldo : un but de la tête, un but du pied gauche, puis un but du pied droit, qu’il célèbre le poing levé, en hommage aux Black Panthers et en opposition à la dictature militaire au pouvoir au Brésil. Une finale de rêve se précise, mais se fera finalement sans les deux principaux protagonistes. Le 28 février, Serginho Chulapa est suspendu quatorze mois pour son agression sur le juge de touche Valdevaldo Rangel alors que Reinaldo est suspendu quatre matchs pour un carton rouge reçu plus tôt dans le championnat. « En 1977, la dictature était explicite. J’avais été expulsé un an plus tôt, lors de la première phase du championnat, mais ils attendaient le jugement. Comme Chulapa avait été suspendu en demi-finale, ils ont décidé de me juger. Une histoire d’intérêts supérieurs. J’étais le meilleur buteur du championnat, j’avais marqué à chaque match, c’était ma meilleure période. […] Cela a été le jour le plus triste de Belo Horizonte : le 5 mars 1978 », juge Reinaldo pour Placar.

spfc77

Sans leur buteur maison, São Paulo et l’Atlético Mineiro se qualifient pour la finale, malgré une défaite 1-0 de São Paulo sur le terrain d’Operário, match au cours duquel Estevam Soares est expulsé. L’entraîneur Rubens Minelli est également suspendu, mais reste confiant pour la finale, déclarant à son arrivée à l’aéroport de São Paulo : « Je suis sûr que São Paulo sera dimanche une équipe totalement différente. Je vais à Belo Horizonte pour gagner le titre. L’Atlético, comme toutes les autres équipes brésiliennes actuelles, a ses défauts et nous allons tenter d’en profiter tout en empêcher qu’il profite des nôtres ». Encore invaincu, l’Atlético Mineiro est le grand favori de la finale, jouant à domicile et présentant avant le match le bilan impressionnant de dix-sept victoires et trois matchs nuls pour aucune défaite. Même sans star Reinaldo, le Galo a une équipe redoutable, notamment au milieu de terrain avec Toninho Cerezo, Ângelo et Marcelo. « L’Atlético Mineiro avait une très bonne équipe, ils étaient les grands favoris », juge Serginho Chulapa dans le livre 20 jogos eternos do São Paulo écrit par Fábio Matos.

Serginho Chulapa est suspendu pour le match, mais afin de déstabiliser l’Atlético Mineiro, le dirigeant tricolor Carlos Miguel Aidar demande à Muricy Ramalho, blessé au genou et indisponible pour le match, de se rendre chez Serginho Chulapa et de l’amener à Belo Horizonte pour faire croire que l’attaquant, vice-meilleur buteur du championnat, va pouvoir jouer. « Je suis allé chez Serginho, j’ai loué un avion et il est parti pour Belo Horizonte. Il n’allait pas jouer, mais cela faisait partie d’une stratégie de mettre la pression sur l’adversaire et c’est ce qu’il s’est passé. Je n’y suis pas allé, je suis resté à São Paulo, il pleuvait beaucoup », se souvient Muricy Ramalho. Le voyage à bord d’un avion de tourisme monomoteur est chaotique, mais Serginho arrive au stade vingt minutes avant le match. Lorsque la porte du vestiaire de São Paulo s’ouvre, les journalistes de Belo Horizonte découvrent Serginho Chulapa en tenue, prêt à jouer. En catastrophe, le directeur sportif de l’Atlético Mineiro, Emanuel Monteiro, déclare que si Serginho Chulapa joue, Reinaldo jouera également. Finalement, aucun des deux joueurs n’est aligné et Reinaldo termine meilleur buteur du Brasileirão avec vingt-huit buts, un record qui ne sera battu qu’en 1997 par Edmundo, auteur de vingt-neuf buts avec Vasco. La moyenne de Reinaldo reste un record pour un artilheiro du Brasileirão puisque le Rei do Mineirão inscrit ses vingt-huit buts en dix-huit matchs seulement !

amg77

La bataille tactique remportée par Minelli

Autre suspendu pour la grande finale, l’entraîneur são-paulino Rubens Minelli, qui cède sa place à son adjoint Mário Juliato, non sans avoir donné ses consignes à ses joueurs auparavant. « Rubens Minelli s’est bien adapté pour la finale, parce qu’il connaissait très bien l’équipe, il était très proche des joueurs », juge Muricy Ramalho. Afin de contrer le prodigieux milieu de terrain de l’Atlético Mineiro, Rubens Minelli titularise des joueurs physiques, Chicão, Teodoro et l’Uruguayen Darío Pereyra. « Chicão a fait la différence, c’était le leader sur le terrain, il se battait beaucoup pour l’équipe. Il régnait sur le milieu de terrain, il se dépensait énormément physiquement », poursuit Muricy Ramalho. Rubens Minelli demande également à ses ailiers Zé Sérgio et Viana de redescendre pour venir aider au milieu de terrain. Devant 102 974 spectateurs au Mineirão, l’arbitre Arnaldo Cézar Coelho, qui dirigera la finale de la Coupe du Monde 1982, donne le coup d’envoi de la finale du Brasileirão 1977, disputée le 5 mars 1978.

Sous une pluie abondante, l’Atlético Mineiro peine à produire du jeu et c’est São Paulo qui se procure la première occasion avec un coup franc de Bezerra, bien défendu par João Leite. Teodoro, Viana et Getúlio amènent ensuite le danger sur les buts du Galo, sans parvenir à marquer. L’Atlético Mineiro se procure sa meilleure occasion en toute fin de première mi-temps, le coup franc d’Alves frôlant la lucarne de Waldir Peres. À la pause, le score reste de 0-0. Dès le retour des vestiaires, Chicão, qui tient le milieu de terrain quasiment à lui tout seul, est proche de marquer, mais le défenseur atleticano Márcio sauve sur sa ligne. Viana trouve le poteau de João Leite puis Paulo Isidoro, entré en jeu à la place de Marcelo, est proche d’ouvrir le score pour l’Atlético Mineiro, mais Waldir Peres est vigilant. Les deux équipes se procurent des occasions, mais les gardiens prennent le pas sur les attaquants et le match file en prolongation. Lors de la première période de la prolongation, Waldir Peres réalise une double parade exceptionnelle et préserve ses buts. La seconde période est plus tranquille, il était écrit que sans les deux meilleurs buteurs du championnat, Reinaldo et Serginho Chulapa, personne ne marquerait. Pour la première fois de l’histoire, la finale du Brasileirão se décide aux tirs au but.

Premier titre dans l’histoire de São Paulo

São Paulo ouvre la séance de tirs au but, mais Getúlio bute sur João Leite. Dans la foulée, Toninho Cerezo tire hors-cadre, puis Chicão, l’homme du match tant son activité au milieu de terrain a été impressionnante, voit sa tentative arrêtée par João Leite. Même aux tirs au but, le score ne semble pas vouloir évoluer et reste à 0-0. Ziza ouvre enfin la marque puis Peres égalise en toute tranquillité. Alves et Antenor tirent tous les deux en force et réussissent leur tir au but. Joãozinho choisit lui aussi la force, mais sa frappe passe loin des buts de Waldir Peres et São Paulo a l’occasion de mettre la pression sur son adversaire, ce qui est fait avec le tir puissant et précis de Bezerra. Márcio est le troisième joueur du Galo à rater le cadre, Waldir Peres peut courir vers ses coéquipiers les bras au ciel, São Paulo remporte le Brasileirão pour la première fois de son histoire.

 

L’Atlético Mineiro se contente d’un titre de vice-champion en terminant le tournoi invaincu, imitant Botafogo, qui avait été éliminé de la troisième phase après onze victoires, sept matchs nuls et aucune défaite. Il faudra attendre 1979 pour voir un champion invaincu, l’Internacional, ancien club de Rubens Minelli. L’entraîneur pauliste remporte pour sa part ce 5 mars 1978 son troisième Brasileirão consécutif et offre au Tricolor le premier championnat national de son histoire. « Dans l’histoire de São Paulo, ce titre a été très important car il a été le premier, il y a eu un grand travail de la commission technique et des joueurs. Il a été très important pour avoir été le premier », estime Muricy Ramalho. Le record des trois titres consécutifs de Rubens Minelli ne sera imité au Brésil que trente ans plus tard par l’entraîneur de São Paulo sacré entre 2006 et 2008. Le nom de l’entraîneur ? Un certain Muricy Ramalho…

 

 

Propos de Muricy Ramalho recueillis par Marcelin Chamoin

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.