Mauro Cetto

Un cadeau, une surprise… C'est ce que l'on vous avait promis avec toutes ces nouveautés sur LO. Tout fraîchement débarqué à Buenos Aires, nous en avons profité pour rencontrer une tête bien connue de Ligue 1 : Mauro Cetto.

Passé par le FC Nantes pendant six saisons avant de défendre les couleurs de Toulouse puis terminer avec moins de réussite à Lille en 2012, Mauro Cetto est aujourd’hui au pays où il défend les couleurs de San Lorenzo, l’institution si chèreau Pape François, avec qui il vient de remporter sa première Copa Libertadores (NDLR : équivalent de la Ligue des Champions). Nous sommes donc allés à sa rencontre pour évoquer avec lui ce moment d’histoire pour le club, l’Argentine mais aussi la France.

Mauro, il y a un peu plus d'un an, tu confiais que remporter la Copa Libertadores était l'objectif de San Lorenzo. L’objectif atteint, comment as-tu vécu ce moment historique pour le club ?

Mauro Cetto : Il est vrai qu'il y a un an c'était le grand objectif du club et on s’était préparé pour cela. Personnellement j'ai vécu cette victoire avec beaucoup de bonheur car en Amérique du Sud c'est le trophée le plus grand et le plus important que l'on puisse remporter. Ce fut une aventure inoubliable. De plus, gagner cette compétition avec un club qui ne l'avait jamais gagnée auparavant, cela donne une dimension supplémentaire à la victoire. Je dis cela car pour nous, pour San Lorenzo, pour les supporters,c'est un rêve qui s'est réalisé.

Ce tournoi est une façon de préparer le Mondial des clubs au Maroc en décembre

Comme tu le dis, San Lorenzo était le seul club des cinq grands d'Argentine (NDLR : Boca Juniors, River Plate, Racing et Independiente, les autres membres de ce club fermé, avaient déjà remporté ce trophée) à ne pas avoir de Copa Libertadores. Penses-tu qu'il y avait un sentiment d'infériorité?

MC : Disons que San Lorenzo se faisait tout le temps chambrer à ce sujet (rires). Mais c'est vrai que c'était une chose que l'on reprochait tout le temps au club et on avait beaucoup de pression sur nos épaules. On la ressentait assez fortement avec toutes ces années de disette au niveau continental mais nous avons réussi à ramener le trophée et c'est bel et bien le principal.

Aujourd'hui nous sommes dans un tournoi de transition en Argentine (voir ici) que San Lorenzo a démarré en roue libre après sa victoire en Copa Libertadores, Quels sont les objectifs du club dans ce tournoi et pour cette fin d'année ?

MC : Le fait d'avoir commencé le championnat quelques jours après avoir remportée la Copa Libertadores ne nous a pas avantagés. Nous avons à peine eu le temps de savourer cette victoire qu'il fallait aussitôt se replonger dans le championnat. Depuis quelques matchs ça va beaucoup mieux au niveau des résultats mais il ne faut pas se cacher que ce tournoi est une façon de préparer le Mondial des clubs au Maroc en décembre. Évidemment, si nous avons la possibilité d’enchaîner les bons résultats et de jouer le titre, nous irons jusqu'au bout. Mais, pour le moment, on est loin de River Plate qui est actuellement en tête. Concentrons-nous d'abord sur la manière de jouer et enchaînons les bonnes prestations comme nous l'avons fait en Copa Libertadores pour arriver au mieux à ce Mondial des clubs. Après avec le championnat argentin tout est possible, avec trois ou quatre victoires d'affilées, on peut très vite se relancer,surtout que River Plate a un calendrier assez chargé entre la Copa Sudamericana (NDLR : équivalent de l'Europa League), la Copa Argentina et des grosse échéances en championnat.

En parlant du Mondial des clubs, il y a la possibilité d'affronter le Real Madrid en finale chose qui ferait rêver n'importe quel joueur de football. Penses-tu que San Lorenzo est capable de ramener ce trophée en Argentine ?

MC : D'abord nous sommes conscients qu'il y a une demi-finale à jouer et que ce sera un match difficile. On se focalise sur cette rencontre avant de penser à une hypothétique finale contre le Real Madrid. Après si finale face au Real il y a, c'est clair qu'on ne partira pas favori. Mais on sait aussi qu'un match de football reste un match de football, que ça se joue à onze contre onze et que tout peut arriver. Encore une fois le Real Madrid sera favori, ils ont toutes les armes pour nous battre mais rien n’est joué à l'avance dans le foot et nous donnerons tout ce qui est en notre pouvoir pour remporter ce Mondial des clubs.

Il y a un mal-être dans le football argentin et malheureusement il faut s'adapter

Revenons au championnat argentin, ce dernier va passer à 30 équipes dès 2015, une formule toujours très controversée. A titre personnel, comment vois-tu cette réforme et l'avenir du championnat en Argentine ?

MC : Je le vis assez bizarrement. Je ne sais vraiment pas ce que cela va donner. C'est une idée qui vient de Julio Grondona juste avant son décès mais qu'il avait depuis quelques temps. Je ne sais pas si ce format va durer. Honnêtement, on ne sait pas trop à quoi s'attendre à part que ce championnat va sûrement être divisé en deux groupes et qu'il y aura des play-offs à la fin. Mais même pour nous cela reste flou.

Il est même sûr aujourd'hui que ce championnat sera composé de deux poules de quinze équipes, on parle même de jouer seulement les clasicos de manière aller/retour… Certains clubs, ont demandés au successeur de Julio Grondona à la tête de la fédération, Luis Segura, de faire machine arrière. Ce dernier a confirmé ce format pour deux ans minimum… On a vraiment l'impression de ne pas savoir dans quoi on s'embarque réellement ?

MC : Exactement ! Et le problème aujourd'hui c'est que le format de la seconde division est fait pour que dix clubs puissent monter en première division. A partir de là, ils sont obligés de garder cette formule. On part vraiment dans l'inconnu sans trop savoir comment cela va se dérouler, même nous les joueurs on ne sait pas grand-chose. On subit. Et même si l'on veut revenir au format initial dans quelques temps, il va falloir faire redescendre dix clubs ! Ça devra se faire progressivement, nous sommes donc loin de revenir à un format classique. Mais le plus hallucinant c'est que nous n’avons pas encore joué avec ce format qu'on veut déjà le changer… Ça reflète le mal-être du football argentin en ce moment et malheureusement il faut s'adapter. En ce qui nous concerne, on a la tête à notre fin de saison et au Mondial des clubs et ce n'est pas plus mal. On verra bien comment cela va évoluer…

Le problème en Argentine, il n’est pas uniquement au stade, c'est un problème de société.

En parlant de mal-être, à l'heure actuelle il n'y a toujours pas de supporters visiteurs dans les stades argentins, seule solution trouvée par les autorités pour essayer de contrer la violence autour et dans les stades. Quelles solutions peuvent être trouvées concernant ce problème sachant qu'en Copa Libertadores ou encore en Copa Argentina cela est possible ?

MC : Personnellement cela me fait de la peine. Quand tu vas jouer contre des plus petites équipes dans des stades qui ne sont pas remplis, tu te demandes pourquoi il n'y a pas nos supporters. Je pense qu'il y a deux poids deux mesures. En Copa Libertadores et en Copa Argentina effectivement tout se passe bien mais on a vu aussi pour certains matchs amicaux des incidents très graves (NDLR : lors d'un match amical entre San Lorenzo et Boca Juniors, le 21 juillet 2013, des incidents ont éclaté entre les Barras Bravas de Boca. Des coups de feu ont été tirés près du stade Pedro-Bidegain, enceinte de San Lorenzo, causant deux morts et de nombreux blessés graves). Il est là le problème, si tu as des débordements même en amical, comment faire revenir tout le monde lors des matchs officiels. Pour ma part, je suis pour que les supporters visiteurs reviennent. Comme la majorité des personnes d'ailleurs. Il faut que cette situation cesse.

Le problème de la violence dans le football argentin ne date pas d'hier mais se pose depuis de nombreuses années. La solution pour que cela cesse est d'éliminer les Barras Bravas (NDLR : groupes de supporters considérés très violent en Argentine) ?

MC : Non. Le problème en Argentine, il n’est pas uniquement au stade, c'est un problème de société. Il y a énormément d'incidents dans la rue et pas seulement autour des enceintes de football. De toute façon à partir du moment où la société ne change pas, je ne vois pas pourquoi le football changerait sachant que c'est le sport le plus populaire et qu'il emmène aussi avec lui les soucis les plus récurrents. Le mal est beaucoup plus profond. La solution est politique et doit venir du gouvernement, même si je ne vois pas comment on peut changer une société en aussi peu de temps.

Terminons sur un sujet beaucoup moins triste, tu confiais que tu suivais toujours la Ligue 1 avec grande attention, aujourd'hui le club où tu as passés le plus d'années en France, le FC Nantes, réalise un très bon début de saison avec de belles ambiances à domicile et des fans conquis. Si tu avais un message à faire passer à ces supporters ce serait lequel ?

MC : Il est vrai que je suis toujours énormément la Ligue 1. Tout d'abord je voudrais leur dire que je suis très heureux de revoir le FC Nantes non seulement évoluer en Ligue 1, mais surtout le voir jouer le haut du classement. C'est la place d'un club comme le FC Nantes avec ses supporters qui sont toujours là à mettre une belle ambiance et qui rendent ce stade de la Beaujoire si magnifique. Je souhaite que les canaris retrouvent les sommets du championnat, retrouvent la Coupe d'Europe. Encore une fois je suis très heureux pour eux. Je suis aussi toujours le Toulouse FC avec émotion mais il est vrai que Nantes à une place particulière dans mon cœur car j'ai passé énormément de temps au club et j'en garde de très beaux souvenirs.

Propos recueillis par Bastien Poupat à Buenos Aires pour Lucarne Opposée.

 
Bastien Poupat