Revenu au pays pour décrocher un titre de champion d’Argentine avec son Racing, Diego Milito ne bénéficie pas du statut qui fut accordé à bien des attaquants argentins. De ses débuts difficiles à ses titres, de son rôle de sauveur du Racing, en passant par ses joies et tristesses en Europe et son histoire tumultueuse avec la sélection Argentine, portrait d’un numéro 22 devenu héros d’Avellaneda.

Né le 12 Juin 1979 dans la petite ville de Bernal, près de Quilmes en Argentine, Diego passe la plus grande partie de ses premières années à jouer au football avec Gabriel, son frère né 15 mois plus tard, dans les rues ou sur les potreros (terrain de quartier en Argentine) de leur ville. En 1989 le destin va séparer les deux frères : à 10 ans, Diego prend la direction du Racing pour y débuter, ce qu'il ne sait pas encore, une longue histoire d'amour avec le club d'Avellaneda alors que son frère rejoindra le Rojo Independiente quelques années plus tard.

Une jeunesse en ciel et blanc

Après avoir évolué dans toutes les catégories de jeunes, Diego débarque à 16 ans chez les inferiores (antichambre des pros en Argentine) en septième division et ne va pas tarder à démontrer toutes ses qualités et son football. Le 26 Avril 1997, alors qu’il continue de gravir les échelons et est désormais avec la cinquième division du Racing, il joue le match le plus abouti de sa jeune carrière en inscrivant un quadruplé face au plus grand rival, Independiente, dans le Clásico d'Avellaneda remporté 6-2. A partir de ce moment-là, Diego va franchir toutes les étapes avec succès : avec la quatrième division, sous les ordres de Jorge Brandoni, il fera partie de l'équipe qui mettra un terme a neuf ans de disette en Inferiores pour La Academia en étant sacré champion après une victoire 1-0 sur le terrain d'Almagro face à Ferro devant 1.200 supporters qui avaient fait le déplacement... A ses côtés, Carlos Arano, Nestor Ruiz, Leonardo Tambussi et Manuel Garcia entre autre, autant de noms qui, deux ans plus tard écriront l'histoire du Racing en première division…

Mais pendant ce temps-là le Racing traverse la pire crise institutionnelle de son histoire. Après avoir déclaré faillite en 1998, le club d'Avellaneda frôle la disparition en mars 1999 quand il fermera ses portes pendant de nombreux jours. Sauvé de justesse et sans argent pour recruter un seul joueur, La Academia est contrainte de lancer ses gamins comme Juan Manuel Zubeldia, Julio Suarez ou encore Lucio Orellano dans le grand bain des professionnels. Le manque d'expérience s’en ressent, les résultats sont loin d'être concluants. C’est dans ce contexte que Diego Milito, 20 ans et 5 mois, dispute son premier match en professionnel contre l'Unión Santa Fe (3-3) lors de la 18ème et avant-dernière journée de l’Apertura 1999 sous les ordres de Gustavo Costas et Humberto Maschio. Il sera ensuite aligné lors de la dernière journée lors de la victoire 3-1 au Cilindro face au Gimnasia pour les adieux du Chelo Delgado, le soir où la hinchada du Racing s'auto-proclame meilleure hinchada du Millénaire. A l'été 2000, Diego entrera quelques minutes en amical face à Boca et River à la place de Daniel el Lobo Cordone, nouveau renfort et titulaire à la pointe de l'attaque. Mais le Racing n'a pas l'argent nécessaire pour signer définitivement Cordone et c'est donc Diego qui démarrera titulaire en championnat.

Il inscrit son premier but officiel face à Colón lors de son cinquième match en professionnel d’une frappe à 25 mètres que Leonardo Diaz ne pourra repousser. Avec la même rage que celle qu’on lui connaît aujourd'hui, il se précipite alors vers la Guardia Imperial (Barra-brava du Racing) hurlant « C'était moi, c'était moi bordel ! ». Mais La Academia s'inclinera 3-1, son année 2000 est un désastre : après la victoire lors de la première journée du Clausura, le Racing enchaîne treize rencontres sans victoire et voit Tété Quiroz démissionner avant que la doublette Costas-Maschio ne fasse de même. Ce qu’on pensait être le pire tournoi de toute l'histoire du Racing (15 points de pris sur 57 possible et une piètre 18ème place), n’était rien en comparaison de l’Apertura suivant terminé avec une seule victoire en 19 matchs et un total famélique de 11 points. Le Racing finit dernier derrière Los Andes et Almagro… Alberto el Pampa Jorge, entraîneur lors de cette saison, présentera sa démission. Sur toute cette année 2000, Diego Milito n’aura donc inscrit qu’un seul but, celui face à Colón. Mais le problème était bien plus profond, aucun joueur du Racing n’était alors parvenu à marquer plus de deux buts cette année-là. « Lors des dernières rencontres, le vestiaire ressemblait plus à une cérémonie de funérailles qu'à un vestiaire de football. On rentrait chez nous sans un mot, sans trouver le courage de parler à nos proches. Au Racing, chaque claque prise nous faisait doublement souffrir » déclarera-t-il alors au Grafico. Pas le temps de se lamenter sur son sort, car Diego le sait, l'année 2001 allait être décisive avec la menace du « Descenso » qui plane sur l'Estadio Presidente Peron.

« J'aime le Racing. Énormément. Les supporters ici sont incroyables et les plus grands qui existent. J'adore jouer ici malgré les problèmes que nous avons »

Célébrer l’amour du maillot par un titre

Alors que la majorité des footballeurs en Argentine ne veut porter le maillot d'un cinq grands du pays alors en péril, Diego, lui, rêve de rester pour changer le destin et l'histoire de son club. Mais encore fallait-il déjà se sauver ! Pour se faire, le Racing nomme à la tête de l’équipe première Reinaldo Mostaza Merlo alors que Milito signe son premier contrat professionnel (2500 pesos par mois plus des primes). Pour fêter sa signature, il inscrit deux buts en préparation face à San Lorenzo, qui terminera champion six mois plus tard, et face à River Plate. Merlo en fera un joker de luxe lors du Clausura 2001, le faisant régulièrement entrer à la place d’Estevez ou Rueda à la pointe de l'attaque.

Le nouveau numéro 11 participe à 17 rencontres sur 19 et sera à deux reprises le sauveur, l'homme décisif qui permettra au Racing de se maintenir en première division : une première fois face à Chacarita quand, alors que La Academia évolue à 10 contre 11, Milito égalise à deux partout avec un superbe golazo puis face à Colón. Nous sommes alors dans les dernières minutes de la 17ème journée du Clausura 2001 et le Racing est mené 1-0. Le lendemain se joue Los Andes – Argentinos Juniors, si le club formateur de Diego Armando Maradona l'emporte, le Racing sera relégable en cas de défaite. C'est le moment que choisit Merlo pour faire rentrer Diego qui, quelques heures plus tôt, souffrait de fièvre. Malgré de fortes douleurs, Milito rentre et égalise dans les derniers instants d’une frappe à l'entrée de la surface. Milito fêtera ce but avec tant de rage qu'il en sera expulsé, mais qu'importe, le Racing se sauvera de justesse en terminant 5ème du Clausura, 16èmeau descenso, premier non relégable. L'histoire est en marche… 

« Cela me coûte cher de ne pas marquer beaucoup de buts. Je ne me considère pas comme un goleador et ça ne m'obsède pas, mais je dois en mettre beaucoup plus. Chaque fois, il me manque quelque chose dans le dernier geste »

Trois buts en 49 rencontres officielles, la réalité de la statistique fait mal pour un attaquant et Milito en est tout à fait conscient à l'aube de l’Apertura 2001. Le Racing est dès lors en plein renouveau et affiche d'autres ambitions. Il commence ce tournoi avec deux victoires et un match nul mais c'est lors de la quatrième journée que Diego va commencer à changer son histoire face aux buts. Il inscrit deux buts en une mi-temps lors de la victoire 2-1 face aux Newell's Old Boys qui propulse le Racing seul leader, une première depuis 1993.

« J'avoue que cela était devenu une obsession » reconnaît-il après la rencontre avant de poursuivre « j’étais très anxieux, j'ai loupé des buts incroyables. Je me sentais mal car dans la position où j'évolue, je dois convertir les occasions, c'est pour cela que ces deux buts sont pour les fans du Racing qui m'ont toujours soutenus. Je sens qu'ils seront la clé, qu'ils me donneront beaucoup de force pour continuer dans ce sens ». Diego a vu juste, aussi juste qu'il le sera ensuite durant toute sa carrière. S'en suivront deux ouvertures du score face à Unión puis Colón, avant un amour de ballon délivré à Estevez face au champion en titre, San Lorenzo, lors de la victoire 4-1 (après avoir été mené 0-1) dans le match décisif pour le titre. Ce qui paraissait encore invraisemblable un an plus tôt va se réaliser : 35 ans après la Copa Libertadores de 1967 (lire Quand le Racing apporte le football total en Argentine), le Racing est sacré après un match nul un partout sur le terrain Velez. Malgré la crise sociale et économique que connaît l'Argentine en 2001, la plus forte de son histoire, les fans du Racing rempliront deux stades (celui de Velez et le leur) avant de terminer la fête à l'Obélisque de Buenos Aires. Francisco Maciel, Martin Vitali et Diego Milito seront les trois uniques joueurs du groupe à avoir participé aux 19 rencontres de l’Apertura 2001. Le gamin de Bernal, amoureux du maillot bleu ciel et blanc a réalisé son rêve, remporter le Championnat d'Argentine avec La Academia.

Le Clausura qui suivra verra sans aucun doute le meilleur de Milito mais paradoxalement pas le plus prolifique. Sans la pression du Descenso désormais loin avec le titre de 2001, Diego commence le tournoi avec deux buts en quatre journées (face à Argentinos Juniors et Newell's). Un nouveau moment de doute viendra traverser son esprit après huit rencontres sans inscrire un seul but mais précieux dans le jeu, il presse sans compter ses efforts et se met au service du collectif. Il retrouvera le chemin des filets après une course de 45 mètres face au Gimnasia La Plata (3-2) et égalisera dans les dernières minutes face à la Chacarita. Mais le meilleur reste à venir, contre Boca Juniors il réalisera selon lui « la plus belle rencontre de ma carrière. Tout d'abord j'ai vu Abbondanzieri les jambes trop espacées, puis sur le second je jure que je veux la mettre à cet endroit, à côté du poteau ». Le Racing terminera a 7ème et se qualifiera pour la Copa Libertadores de 2003, la deuxième en 25 ans, dans laquelle il fera un parcours plus qu'honorable en sortant invaincu des phases de poules mais se fera éliminer en huitième aux tirs au but contre l'América Cali. Diego jouera les huit rencontres et trouvera par deux fois le chemin des filets.

Horreur et confirmation

26 Juin 2002, Dario Santillan et Maximiliano Kosteki sont sauvagement assassinés dans la gare d'Avellaneda par la Police Fédérale Argentine après un terrible mouvement de répression orchestré par le gouvernement de l'époque contre les Piqueteros suite à la crise économique de 2001 qui provoqua la démission du président Fernando de la Rua. Aujourd'hui, la gare se nomme « Station Dario et Maxi », de nombreuses photos, plaques et tags sont encore présents pour réclamer justice dans le Massacre d'Avellaneda, l'une des affaires les plus sombres de l'histoire de l'Argentine. Un fait qui a marqué tout le Racing, club omnisports dont la hinchada est située à gauche sur l’échiquier politique. 29 août 2002, deux jours après que Maximiliano Estevez a été victime d'un accident de la route, alors que l’Apertura a débuté depuis un mois jour pour jour, Diego Milito est frappé par un drame : son père, Jorge, est séquestré à Bernal, sa ville natale. A ce moment-là Diego est blessé et donc écarté du groupe par Osvaldo Ardiles. La séquestration de son papa aura duré 19 heures, avant qu’à 07h30 le 30 août, il ne soit libéré contre une rançon de 100 000 dollars. Après les joies de 2001, l’été 2002 reste celui de la tension. Suite à tous ces événements, le Racing décidera de renforcer sa sécurité autour de tous les entraînements de l'équipe professionnelle. Malgré ce contexte, Diego Milito continue sa progression lors de l’Apertura en établissant son nouveau record personnel avec 8 buts avant d’en inscrire 6 lors du tournoi suivant.

Son dernier tournoi sous le maillot du Racing, l’Apertura 2003, sera marqué par une anecdote assez cocasse avec son frère. Gabriel est alors défenseur et symbole du plus grand rival Independiente. Les deux frangins se sont affrontés la première fois en 2000 dans le Clásico d'Avellaneda et lutteront pour la suprématie de la ville jusqu'en 2003 et ce dernier choc au cours duquel Diego égalisera à un partout (score final) avant de réclamer puis obtenir de l’arbitre l’exclusion de son propre frère après une faute sur Romero, déclenchant ainsi une intense discussion qui restera néanmoins sans grand dommage collatéraux. Les deux hommes seront convoqués en sélection en même-temps la même année puis se retrouveront en Espagne, à Saragosse, de 2005 à 2007. Après six buts et une 12ème place, l’heure est venue pour Diego de quitter le pays, les sirènes de l'Europe viennent sonner à sa porte. Milito s’envole pour le Genoa, club historique en Italie, mais à l'époque en Serie B, qui avait proposé 1.700.000 dollars au Racing. Après avoir joué 148 rencontres officiels et avoir inscrit 37 buts, Diego fait ses adieux à son peuple ciel et blanc après un match amical face à San Lorenzo (3-0) dans son stade de toujours.

De la Serie B italienne au toit de l’Europe

Diego Milito s'est posé de nombreuses questions avant d'accepter l'offre du Genoa. Il était certes l'un des meilleurs attaquants du championnat argentin mais n'avait aucune expérience en sélection et la Serie B ne pouvait lui offrir la vitrine suffisante pour espérer se montrer aux yeux du sélectionneur. Il choisit tout de même le club de Gênes qui luttait alors pour ne pas descendre en Serie C. « Le Genoa c'est comme le Racing, il y a une très grande hinchada qui suit le club partout où il va mais qui semble codamnée à souffrir » confiera-t-il dès son arrivée dans la botte à mi-saison 2003/2004. Il marque dès son premier match contre Ascoli (1-1) et déclare dans la foulée avec énormément de confiance « On va se maintenir. Et je pense même que la saison prochaine le Genoa retrouvera la Serie A ». Le moment clé de son adaptation définitive au football italien viendra lors de la 31ème journée et une rencontre primordiale en vue du maintien face à Venise. Alors qu'il y a 0-0, Diego rentre, transforme un penalty que personne ne voulait tirer et donne la victoire 1-0 au Genoa. Ce fut le déclic. Il inscrit 12 buts en 20 matchs, le Genoa termine la saison à la 16ème place et se maintient. « Ce ne fut pas facile au départ de s'adapter au football italien, mais lors de la prochaine saison je suis certain de pouvoir faire encore mieux ». Une fois de plus, Diego verra juste. Sa saison 2004/2005 est majestueuse au point que Serse Cosmi, son coach, déclare à mi-saison : « Si le président le vend, c'est comme si on nous ampute d'une jambe ». Cette saison-là, Milito c'est 19 buts dont un doublé lors de la dernière journée face à Venise (3-2), il est le grand artisan du titre et donc de l'accession à la Serie A. « C'est incroyable, ce fut une saison d'une intense souffrance mais je suis heureux », une joie qui sera de courte durée, quelques jours plus tard, Diego découvrira que le président du Genoa, Enrico Preziosi, est impliqué dans une affaire de matchs truqués. La sanction tombe : Non seulement l'accession en Serie A est annulée mais le Genoa est relégué en Serie C la saison suivante.

Après ce scandale et la corruption de son ancien Président, le Genoa est dans l'obligation de se séparer de Diego Milito. Il s’envole pour Saragosse qui n'hésitera pas à payer 6.000.000 millions d'euros sur les recommandations du petit frère Gabriel Milito déjà présent dans le club espagnol depuis 2003. Cette fois, pas de temps d'adaptation pour l'aîné des Milito. Il marque à 21 reprises lors de sa première saison 2005/2006. Le match le plus mémorable de son passage en Espagne ne sera pas en championnat mais en Coupe du Roi. Après avoir éliminé l'Atlético de Bianchi en huitièmes et le FC Barcelone en quart (avec un doublé de Diego), Saragosse se retrouve face au Real Madrid en demi-finale. A La Romareda, le 8 février 2006, Diego s’offre un triplé en 34 minutes de jeu ! A la 55ème minute, il inscrit le but du quadruplé. Saragosse s’impose 6-1 face aux Casillas, Roberto Carlos, Beckham, Ronaldo et compagnie. Les Merengues n’avaient plus encaissé autant de buts depuis 1999 et le Valence d'el Piojo Lopez, le dernier joueur à avoir réussi un quadruplé face à la Maison Blanche était Esteban Echeverria avec Oviedo en 1947 ! 

« Milito vivra à tous jamais sur les hauteurs de Saragosse le reste de ses jours. Par ses quatre buts face au Real Madrid, il a répondu à tout l'amour que lui donne La Romareda depuis le début de la saison » écrivait le journal espagnol El Pais après cet exploit. Malheureusement pour Diego, Saragosse s'inclinera lourdement 4-1 en finale face à l'Espanyol et le rêve de titre prendra fin cruellement. Lors de sa deuxième saison sous le maillot des Blanquillos, Diego inscrit 23 buts dont deux qui donneront la victoire 1-0 face à l'Atlético puis face au Barça sans oublier le plus important, lors de la dernière journée du championnat à 15 minutes du terme de la rencontre qui qualifiera Saragosse en Europa League. Il termine à seulement deux longueurs du meilleur buteur du championnat, Ruud Van Nistelroy (Real Madrid) et égale le record de Seminario qui, lors de la saison 1961/1962, avait inscrit lui aussi 23 buts en une saison sous le maillot Maños. Le conte de fée va vite prendre fin, lors de sa troisième saison, Diego va connaître sa première et unique relégation sportive de sa carrière malgré ses 15 buts. Avec 13 points de pris sur les 16 dernières journées, Saragosse est relégué en deuxième division, Milito échappe aux critiques mais souffrira de cette descente.

Pendant ces trois saisons en Espagne, son premier club européen, le Genoa, a su se remettre de la crise qu'il avait traversée en 2005 et fait ainsi son retour en Serie A. C'est tout naturellement qu'Il Grifone rappelle son ancien goleador, idole totale au stade Luigi-Ferraris, qui revient alors sans hésiter. Diego Milito va une nouvelle fois éblouir les terrains d'Italie et faire preuve d'une énorme régularité : il inscrit le but de la victoire 1-0 face au Milan AC dès son premier match et déclare « J'ai eu la sensation de ne jamais avoir quitté le club, ce fut comme dans un rêve ». Un rêve qui va se poursuivre, il enchaîne les buts, marque de son empreinte le derby de Gênes face à la Sampdoria avec un but décisif à l'aller et un triplé au retour (1-0 et 3-1), s’offre un autre triplé face à la Reggina, pour terminer la saison avec 24 buts, seulement à une longueur du Capocannoniere Zlatan Ibrahimovic. Le Genoa termine à la 5ème place et Diego fait ses adieux, beaucoup plus joyeux cette fois-ci, avec un doublé et une victoire 4-1 face à Lecce. Car l'Inter pose 16.000.000 d'euros sur la table pour offrir un nouveau défi à l’attaquant argentin : tenter de remporter la Ligue des Champions 45 ans après son dernier sacre. Diego Milito s’installe à la pointe de l'attaque en lieu et place d’Ibra.

Après avoir récupéré le surnom attribué par Victor Hugo Morales à Enzo Francescoli, à qui il ressemble physiquement, Il Principe débarque dans un Inter de Milan triple champion d'Italie et dirigé par un certain Jose Mourinho. Les tifosi n'ont plus qu'une seule obsession : soulever la Champions League. Reste qu’être champion d'Italie n'est jamais une tâche facile et répéter cet exploit pour une quatrième fois de suite n’est pas gagné d’avance. L’Inter ne doit pas faillir, le désastre d’une saison blanche est inenvisageable. Milito a la lourde tâche de succéder à Ibrahimovic parti au Barça et meilleur buteur du dernier Calcio. Sa réponse ? Un but dès la deuxième journée dans le derby de Milan remporté 4-0 et un doublé lors de la quatrième journée face à Cagliari pour une victoire 2-1. Ce n'est que le début, Milito va vivre la plus grande saison de sa carrière sous le maillot de l'Inter raflant tout sur son passage et enfilant les buts comme des perles : 4ème journée de Champions League, but du 2-1 à Kiev ; Serie A 21ème journée, nouveau but pour une autre victoire dans le derby de Milan 2-0 ; huitième de finale de Champions league, but face à Chelsea pour une victoire 2-1, quart de finale de Champions League, but du 1-0 face au CSKA et accession en demi-finale au cours de laquelle il inscrit le but du 3-1 à l’aller face au Barça de Messi, Xavi, Iniesta et Ibra ; finale de la Coupe d'Italie, seul but du match face à la Roma pour son deuxième titre personnel ; Serie A dernière journée, but de la victoire 1-0 face à Sienne pour son troisième titre personnel et enfin, l’apothéose, finale de la Champions League, doublé face au Bayern de Van Gaal, Robben et Thomas Muller, pour la victoire 2-0 et son quatrième titre et un triplé historique de l'Inter.

« Diego est fondamental pour nous » admettra le capitaine, compatriote et joueur emblématique de l'Inter, Javier Zanetti. Pour son niveau énorme tout au long de la saison, Il Principe est élu meilleur joueur de la Ligue des Champions et décroche sa place pour le Mondial Sud-Africain en 2010, nous y reviendrons plus tard.

« Depuis mon départ du Racing, il y a 11 ans, j’ai toujours rêvé de revenir. Tout au long de ma carrière, j’ai pris les décisions en fonction de ce que dictait mon cœur. »

Retour à Avellaneda, la légende Milito

A l'Inter il est aimé, voire adulé. Après cette magnifique saison 2009/2010, il continue à marquer et remporte la Supercoupe d'Italie, avant de gagner le Mondial des Clubs puis une nouvelle Coupe d'Italie en 2011 où il sera une nouvelle fois buteur en finale. Mais, Diego a le mal du pays et fait une déclaration fracassante « Je rêve toujours de revenir au Racing. C'est mon club formateur et je l'aime à un point incommensurable ». L'Inter le retient. En 2012 il débloquera une nouvelle fois la situation dans le derby de Milan (1-0) et sera à nouveau l'auteur d'un quadruplé à Palerme (4-4) dans une rencontre sous la neige à couper le souffle puis inscrit trois à ses anciens potes du Genoa (5-4). Avec un nouveau triplé dans le derby de la Madodinna (4-2) face à un Milan AC qui lui a toujours très bien réussi, Diego terminera la saison 2011/2012 avec 23 buts. Dans un coin de sa tête, comme une obsession, il veut revenir au Racing. « La dernière année, Diego avait plus la tête au Racing que à l'Inter » avouera plus tard son compatriote en Italie, Nicolas Burdisso.

Mais en 2013 tout se complique. Le 14 février, ses ligaments du genou gauche lâchent et il ne peut revenir ainsi dans son club de toujours surtout après sa déclaration en 2006 « En Argentine, quand tu as plus de 30 ans les gens te voient comme un vieux qui veut seulement revenir voler un peu d'argent avant la fin de sa carrière ». Le retour est reporté. Diego est en plein doute et décide d'effectuer sa convalescence en Italie pour revenir à La Academia en pleine forme. 2014, malgré les offres d'autres clubs européens il déclare : « Je reviens au Racing ».

Neuf ans de disette pour le Racing dans les inferiores. Effacés avec Diego. 35 ans sans titre pour La Academia. Effacés avec Diego. 45 ans sans qu'un joueur de Saragosse n'inscrive 23 buts en une saison, record égalé. 45 ans sans que l'Inter ne soulève la Ligue des Champions. Effacé encore. Lorsqu’il Principe effectue son retour au Racing, La Academia n'a plus remporté de titre depuis 2001 (avec lui). 13 ans d'attente insoutenable pour la Guardia Imperial et tous les supporters de La Academia. Le retour de l’autre Roi Diego, attendu comme un messie, génère beaucoup d'espoir à Avellaneda. « Un nom ne fait pas un joueur » lance-t-il dès son arrivée. Mais son talent change une équipe. Revenu pour que « le Racing ait à nouveau un rôle à jouer », accueilli dans son stade face à San Lorenzo avec les éternels « Olé Olé Olé Olé Diego Diego », Milito retrouve ce championnat argentin, qu'il décrit comme étant « très compétitif et physique ». Avec l'âge il est difficile de prendre de vitesse les lignes arrière argentines, alors le capitaine Milito fait parler sa vision du jeu, sa patience dans la surface, ses pauses, ses déviations et ses feintes. Il ouvre son compteur but lors de la deuxième journée face à Defensa y Justicia (3-1) avant de transformer un penalty face à Arsenal (1-0) et d'ouvrir la marque dans le Clásico face à Independiente dans l'Estadio Libertadores de America où il exprime sa rage de vaincre toujours aussi forte embrassant l'écusson de La Academia. Ce qui lui vaudra quelques noms d'oiseaux, quelques projectiles et un jaune (voir Argentine : River file vers le titre).

Déjà trois buts en six rencontres, le retour rêvé se déroule parfaitement. Mais Diego se blesse quelques minutes plus tard dans le Clásico. Comme un symbole, le Racing va connaître un gros passage à vide sans son numéro 22 fétiche. Sans lui, le Racing s'incline 2-1 dans le Clásico, perd à domicile 1-3 face à Lanús et fait un nul un partout face aux Newell's Old Boys avant d'être mené à Boca 1-0 dans conditions dantesques qui conduisent à la suspension de la rencontre. Un tournant. Une semaine plus tard, il reste 34 minutes à jouer à la Bombonera, Milito est de retour. Il lui faudra seulement dix minutes pour offrir le but de l'égalisation à Bou qui inscrira un doublé pour renverser la situation. Victoire 2-1. Deux journées plus tard, Diego est le moteur du retour fracassant du Racing qui mènera La Academia au titre de champion. Il ouvre le score de la tête à Estudiantes (4-0), obtiendra le coup-franc libérateur que transformera Bou au Gimnasia La Plata (1-0), force Funes Mori à marquer contre son camp lors du choc face au favori River Plate (1-0) et inscrira un doublé à Rosario Central lors de l'avant dernière journée (3-0). Vient alors le soir pour l’histoire, ce dernier rendez-vous au Cilindro face à Godoy qui, 13 ans après, fait du Racing un nouveau champion d'Argentine (voir Argentine : le titre du Racing vécu de l'intérieur). Avec son capitaine Diego Milito, le Racing a pris 85 % de ses points sur la saison (14 victoires, 1 Nul et 2 défaites). « J'étais revenu avec un rêve. Et voilà que sans avoir eu le temps de m'en rendre compte, Racing est de nouveau champion » confiera-t-il très ému après la rencontre. Reçu au Palais présidentiel par la Présidente Cristina Kirschner, l’attaquant s’est ensuite confié dans les colonnes d’El Pais sur ce retour gagnant : « depuis mon départ du Racing, il y a 11 ans, j’ai toujours rêvé de revenir. Tout au long de ma carrière, j’ai pris les décisions en fonction de ce que dictait mon cœur ». Diego Milito l'a une nouvelle fois démontré, avec lui tout est possible.

La sélection comme seule frustration

 

Dans ce portrait idyllique de Diego Milito, il reste cependant un part d’ombre : sa relation avec la sélection nationale. Si nous avons choisi de conclure ce grand format sur Diego Milito avec la sélection argentine, c'est que son histoire avec cette dernière fut loin d'être un long fleuve tranquille et soulève bien des interrogations dont la principale : celle de savoir si l'Argentine a un jour mesuré le talent qu'elle avait entre les mains.

L’histoire du Principe avec l’Albiceleste est faite de quelques bons moments, mais est surtout remplie de mauvaises périodes et de frustrations. Celui qui a fait le plus confiance à Diego restera Marcelo Bielsa. El Loco le fait débuter le 31 janvier 2003 contre le Honduras, et, en à peine 15 minutes de jeu, Diego a inscrit son premier but. Il sera ensuite des victoires contre le Mexique et les Etats-Unis (1-0) avant de vivre sa plus belle rencontre lors derby du Rio de la Plata contre l'Uruguay lors de sa quatrième sélection. Un match nul deux partout avec un doublé de Milito dans l'Estadio Unico de la Plata.

Marcelo Bielsa utilisera de nouveau Milito contre l'Uruguay (3-2), le Japon (2-1) et le Pérou (3-1), la dernière rencontre de Bielsa avec l'Albiceleste avant de démissionner. « Quand Bielsa a démissionné, j'ai perdu toute confiance, car à ce moment précis il était le seul à croire en moi en sélection » se lamentera Milito. Lors de la saison 2005/2006, alors que Diego brille sous le maillot de Saragosse, Pekerman ne le convoque seulement qu’à deux reprises en amical contre la Catalogne (3-0) et la Croatie (2-3), et l’emmène pas au Mondial de 2006 en Allemagne lui préférant Julio Cruz. Par la suite, Alfio Basile non plus ne lui donnera pas beaucoup de temps de jeu pour s'exprimer. Quelques minutes en amical contre la France, la Suisse, l’Algérie ou encore la Norvège. Il sera convoqué lors de la Copa America 2007 au Venezuela mais entrera seulement deux fois en jeu (il en profitera pour inscrire un but face à la Colombie), l'Argentine chutera en finale face au Brésil. Avec Maradona, Diego réalisera son rêve en 2010 après une saison parfaite sous le maillot de l'Inter, celui de participer à une phase finale de Coupe du Monde. Mais là encore, la frustration. El Pibe de Oro le laissera sur le banc privilégiant un trio offensif Messi – Tevez – Higuain, le faisant entrer contre le Nigeria douze minutes (1-0, le jour de son anniversaire) et lui offrant sa seule titularisation aux côtés de Kun Agüero contre la Grèce (2-0) dans le match des coiffeurs. L'Albiceleste tombera lourdement en quart de finale face à l'Allemagne (0-4) sans que Milito ne refasse une seule apparition. Sa dernière apparition date de la même année dans une triste défaite face au Japon (0-1). Convoqué lors de la Copa America 2011 chez lui en Argentine, Milito ne jouera pas une seule petite seconde. En 26 rencontres avec l'Albiceleste, Milito n'en a jamais joué une seule entièrement entrant ou sortant en permanence. Etait-il possible de percer de cette manière lorsque la concurrence se nommait Tevez, Messi, Higuain ou encore Agüero ? L'Argentine a-t-elle réalisé ce qu’elle aurait pu gagner avec l’autre Diego, celui des conquêtes impossibles ? Autant de questions qui demeureront éternellement sans réponse.

En janvier 2016, Diego Milito annonce que cette année sera sa dernière, il confirme ce que tout un peuple ne voulait entendre, la fin de sa carrière est proche. Alors, Il Principe continue de marquer (face à Boca, face à Unión. Le 21 mai, face à Temperley, il dispute son dernier match dans son Cilindro, ovationné lors de la minute 22. Ce soir-là, Diego Milito fait trembler les filets une dernière fois. Ultime clin d'oeil du destin, ce but est son 22ème depuis son retour. 22 comme son numéro, unique, immortel. Celui d'un enfant de Bernal, devenu héros d’Avellaneda puis légende argentine.

Par Nicolas Cougot et Bastien Poupat pour Lucarne Opposée

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.