En Europe son nom est synonyme de géant. En Amérique du Sud, il représente un grand d'Equateur. Retour sur l'histoire de Barcelona de Guayaquil, dont les liens avec l'homonyme espagnol ne sont pas toujours si cordiaux.

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Vous le découvrirez peut-être au fil des numéros de cette rubrique, nombreux sont les clubs sud-américains dont l’histoire et le nom sont liés aux migrants. C’est plus particulièrement le cas pour le Barcelona SC.

Souvenirs catalans

1er mai 1925, un groupe de jeunes équatoriens du Barrio del Astilleros connu sous le nom de« La Gallada de la Modelo » décident de créer un club à Guayaquil. Parmi eux, Manuel Murillo, leader du groupe, travaille avec plusieurs commerçants d’origine espagnole dont un groupe de catalans, Eutimio Pérez,  Jaime Castells et les frères Domenech et les entraîne dans l’aventure. Le siège du club est alors la maison d’Eutimio Pérez, fervent supporter du club de la ville dont il est originaire : Barcelone. Ce dernier lui donne alors le privilège d’utiliser nom et écusson. Il propose le nom à ses compagnons de route qui l’acceptent, le Barcelona SC est créé, son écusson reprend alors l’écusson de la ville espagnole. Sur le terrain, les premières couleurs seront maillot blanc et short noir, mais au sein de la Fédération des Sports de Guayas (Federación Deportiva del Guayas) une équipe disposant du même équipement, Barcelona va rapidement changer ses couleurs pour revêtir les couleurs de la catalogne : rouge et jaune, le maillot devenant ensuite entièrement jaune.

Les succès continentaux ciment d’un popularité croissante

Rapidement, le SC Barcelona verra sa popularité augmenter, notamment dans les années 40 où le club affrontera les meilleurs clubs colombiens de l’époque dont le Millonarios de Di Stefano, considéré comme la meilleure équipe du monde, qui tombera face aux rouges et jaunes pour ce qui reste le premier vrai moment de gloire du club. Les années 50 verront la rivalité entre Barcelona et Emelec croître (rivalité donnant naissance au célèbre Clásico del Astillero – voir Le Clásico del Astillero, le plus grand d’Equateur) et le premier titre du club. 1950, titre amateur, 1951, premier titre professionnel (pour le premier championnat pro organisé en Equateur). Puis la Fédération équatorienne met en place un premier championnat national professionnel : dauphin d’Emelec pour le 1er championnat, Barcelona remporte le second, organisé en 1960, et devient le premier club équatorien à disputer la Copa Libertadores (éliminé au premier tour).

Le club multiplie les exploits comme en 1971 où Barcelona affronte Estudiantes en Libertadores. Ce duel marque l’histoire du football équatorien et est connu sous le nom de La Hazaña de la Plata. Au début des années 70, le club argentin emmené par  Juan Ramón Verón domine l’Amérique Latine (triple tenant du titre) et le monde (champion en 1968). Nous sommes alors dans la deuxième et dernière phase constituée de deux groupes de 3 desquels les premiers se qualifieront pour la finale. Battu chez lui, Barcelona se rend à La Plata, forteresse imprenable en Libertadores (Estudiantes n’y a jamais perdu). Oswaldo Ardizzone écrit dans le Grafico : « Barcelona est une équipe de troisième zone au sein de laquelle le maestro Spencer effectue sa dernière tournée en tant que joueur ». L’affaire parait entendue, Estudiantes doit écraser le modeste équatorien. Il n’en est rien. Pire pour le peuple pincha, peu après l’heure de jeu, Bolaños sert Spencer qui offre la balle de but à Jose Manuel Bazurco, prêtre catholique et joueur de foot surnommé « le curé aux pieds d’or », qui fît écrire aux médias argentins que ce soir-là « Dieu était équatorien ». Quelques années plus tard, Bazurco rentrera en Espagne et deviendrant enseignant, il croisera notamment un gamin nommé Unai Emery sur les bancs de son école. En Equateur, il restera celui qui a fait de Barcelona, el Idolo de Ecuador. Malheureusement, ne parvenant à profiter de cette victoire, les équatoriens échoueront aux portes de la finale qu’Estudiantes parviendra à atteindre (et perdre face au Nacional). Mais ce jour marque le début de la popularité nationale du club qui alors ne va jamais décroître. Au point qu’aujourd’hui, Barcelona est désormais connu comme le club ayant le plus de partisans à travers le pays.

Lutte fratricide

L’histoire du Barcelona SC petit frère du géant espagnol a tout du plus bel hommage à la cité catalane et son club de légende. A trois reprises dans l’histoire les deux équipes vont se croiser, jamais le Barça espagnol ne parviendra à s’imposer. Reste qu’à chaque fois, les débats seront houleux à l’image du dernier duel de 1988 pour l’inauguration du Monumental, le stade du club équatorien que Pelé avait une fois décrit comme le plus beau d’Amérique du Sud. Ce soir-là, le club équatorien s’imposera 2-1 dans ce qui constitue le dernier duel entre les deux frères sur un terrain.

Car en dehors des pelouses, les deux clubs se sont retrouvés plus récemment devant une cours de justice. Le club catalan avait lors saisi la justice pour pouvoir gagner le droit exclusif d’utiliser la marque Barcelona sur le territoire équatorien. L’affaire avait fait grand bruit en Equateur, une victoire en justice du catalan ayant pour conséquence l’obligation pour le club de Guayaquil de devoir changer de nom et d’écusson. Le club Torero (surnom de l’équatorien) avait alors fait valoir l’antériorité de son enregistrement sur le territoire national, l’affaire dure deux ans et fini par trouver une conclusion positive lorsqu'en juillet 2014, l'Instituto Ecuatoriano de la Propiedad Intelectual publie que les deux clubs ont trouvé un accord pour que les deux Barcelona coexistent en Equateur. Comme quoi un hommage donnant naissance à la création du club le plus populaire du pays peut parfois se transformer en guerre familiale.

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Toujours vivant

Sur le plan local, les Toreros ne sont plus redescendus depuis 1965 et ont décroché seize titres nationaux, pointant en tête du classement général devant le plus grand rival, Emelec. Reste que les années 2000 ont vu le club se réadapter au nouveau monde. La première décennie est celle des crises avec des conflits économiques, quels échecs sportifs retentissants et une première idée de reconstruction avec un projet nommé La Renovación soldée par un échec tout aussi considérable sur le plan sportif malgré de forts investissements. Sous Benito Floro, Barcelona est aux portes de la relégation, le club se sauve au prix d’un match sous haute tension le 3 octobre 2009 disputé devant plus de 60 000 spectateurs.

Cette chute annonce la renaissance. La reconstruction débute. Depuis, Barcelona s’est offert trois titres nationaux (en 2012, 2016 et 2020), retrouve les joies continentales avec deux demi-finales de Libertadores en 2017 et 2021, symbole de ce nouvel Équateur qui a su s’adapter au nouveau monde pour briller de nouveau. Preuve que l’Ídolo reste immortel.

 

Initialement publié le 28/03/2015, dernière mise à jour le 01/05/2022

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.