La soixante-cinquième édition de la Copa Libertadores lance sa phase de groupes. Derrières les ogres brésiliens, les ambitions seront multiples, mais rendront la phase de groupe plus qu’intéressante.

Groupe A : Fluminense, Cerro Porteño, Alianza Lima, Colo-Colo

Honneur au tenant du titre et automatiquement placé en position 1 du Groupe A : Fluminense. Un Tricolor qui n’a pas bousculé un effectif déjà conséquent, même si certains cadres restent vieillissants. On a cependant apporté l’expérience de Renato Augusto, qui a mis fin à une histoire en plus de deux cents chapitres avec le Corinthians, ou encore la technique d’un David Terans, de retour au Brésil après une pige à Pachuca, et Antônio Carlos, formé au club mais qui n’avait jamais eu sa chance, le quittant à quatorze ans. Ce Flu reste grand favori d’un groupe largement à sa portée.

Car dans son ombre, des grands habitués aux ratés continentaux. D’un côté, le Cerro Porteño, qui se souvient encore du huitième de finale perdu face à Fluminense – notamment les polémiques arbitrales du match aller. Le Ciclón paraguayen dispute sa septième Libertadores consécutive, sa quarante-cinquième, mais reste sur une édition 2023 terminée à la dernière place d’un groupe qu’il partageait avec Palmeiras, Bolívar et Barcelona, n’ayant gagné qu’un seul match, celui d’ouverture face à Barcelona et a essuyé quatre défaites dont un sévère 4-0 à la maison face au représentant bolivien. Comment changer la dynamique ? Le Cerro Porteño a fait encore le choix de renverser la table. Après avoir mangé six entraîneurs en 2023, le club a déjà changé de DT. Arrivé pour le scouting et la formation des entraîneurs, l’Espagnol Manolo Jiménez a pris les commandes du club il y a moins d’un mois après un début de tournoi local très compliqué. Du côté des joueurs, quelques arrivées intéressantes, comme celle d’Alexis Martín Arias qui renforce la concurrence avec Jean dans les buts (même si ce n’était clairement pas le point faible de l’équipe), le retour au pays de Bruno Valdez, prêté par Boca ou encore celui de l’ancien grand espoir du club, Juan Iturbe. Sur le papier, le Cerro Porteño peut viser la deuxième place, reste à savoir si Manolo Jiménez parviendra à remettre tout un club dans le bon sens.

Le bon sens, les deux frères de l’Ouest le trouvent au pays, moins sur le continent. Championne en 2021 et 2022, l’Alianza Lima a dû laisser le titre 2023 à son pire ennemi au terme d’un clásico retour terminé dans la pénombre afin de ne pas voir les hommes de Jorge Fossati, désormais sélectionneur national, célébrer le titre à Matute. Pour renverser les dynamiques, l’Alianza a réussi à attirer Alejandro Restrepo sur son banc, soit l’homme qui fut le cerveau des succès du Deportivo Pereira, quart de finaliste de l’édition 2023, la première de son histoire, après avoir notamment battu Boca, futur finaliste, en phase de groupes. Sur le terrain, l’Alianza conserve quelques valeur sûres et expérimentées, citons Gabriel Costa ou encore l’immortel Hernán Barcos et adjoint encore plus d’expérience en attirant Cecilio Waterman devant ou Sebastián Rodríguez au milieu. Reste que le principal souci de l’Alianza est de vaincre une malédiction continentale : la victoire face à Libertad en mars 2023 est la seule des trente-cinq derniers matchs disputés par les Blanquiazules péruviens (une série contenant six résultats nuls seulement), la dernière victoire à domicile remontant à mars 2012 face au Nacional d’un certain Marcelo Gallardo.

Du côté des frères chiliens de Colo-Colo, la deuxième place était déjà l’objectif envisagé l’an passé, dans un groupe très largement à la portée du Cacique (derrière Boca Juniors, le Colo luttait avec le Deportivo Pereira et Monagas). Le groupe était tellement accessible que celui qui était alors le champion sortant du Chili n’avait gagné qu’une rencontre, à la maison face à Monagas, sur un penalty. Depuis, Gustavo Quinteros s’en est allé, son cycle terminé à la troisième place du général a pris fin et le Cacique s’est offert un finaliste de la dernière Libertadores pour rebondir : Jorge Almirón. Si sur le continent la première mission – atteindre la phase de groupe – est accomplie, avec notamment un joli scalp, celui de Godoy Cruz, pour l’instant, au pays, le bilan est mitigé, l’arrivée triomphale du Rey Arturo est désormais un souvenir, d’autant que le Roi dispense son football avec parcimonie (deux apparitions seulement en championnat) et a largement été assombrie par un superclásico perdu à la maison face à la U, une première depuis vingt-trois ans. Sur le papier, le Cacique n’a pas bousculé son effectif – les clubs chiliens ne peuvent généralement pas non plus se le permettre – et Almirón s’appuie donc sur un groupe similaire à celui dont disposait Quinteros pour relancer la machine. Et là encore, tout nouvel échec continental serait mal vécu.

Groupe B : São Paulo, Barcelona, Talleres, Cobresal

Comme le Groupe A, le B aurait tendance à être promis au club brésilien, une vérité qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des groupes. L’ogre auriverde du groupe se nomme donc São Paulo. Sous la houlette de Dorival Júnior, désormais à la tête de la Seleção, le Tricolor paulista a décroché la Coupe du Brésil pour assurer sa place en Libertadores malgré une place en milieu de tableau de Serie A et une saison à l’issue de laquelle São Paulo a finalement obtenu le maximum qu’il pouvait viser. Les choses ont-elles changé ? Sur le banc, le nouveau technicien est jeune, Thiago Carpini n’a que trente-neuf ans. Mais il arrive avec une sacrée saison 2023 passée à la tête de Juventude. Arrivé au chevet d’un Verdão avant-dernier de Serie B au soir de la sixième journée, Thiago Carpini a transformé le club en machine a succès pour terminer solide deuxième, ne perdant que deux matchs entre juillet et fin novembre pour permettre au club de retrouver l’élite. Si le Paulista ne s’est finalement pas bien déroulé (élimination en quarts face à Novorizontino), São Paulo s’est déjà offert un trophée cette saison, la Supercoupe du Brésil, face à Palmeiras. Sur le terrain, on retrouve plusieurs figures connues, de Robert Arboleda à Rafinha en passant par Pablo Maia, Luciano, Jonathan Calleri ou Nikão, l’ancien dynamiteur de l’Athletico Paranaense de retour de prêt mais aussi et surtout les deux stars, Lucas Moura et James Rodríguez. L’effectif est dense, ultra-qualitatif, et doit donc à minima se hisser en huitièmes.

D’autant que la concurrence semble en retrait. Trente-huit ans après la première, huit ans après la deuxième, Cobresal retrouve la Libertadores. Les Mineros sont une exception au Chili puisque Gustavo Huerta dirige l’équipe depuis 2017, mais cela n’est pas forcément une garantie de chemin tranquille. Car si Cobresal s’est hissé à la deuxième place du dernier championnat, la perte du titre lors de l’ultime journée a sans doute pesé. Depuis, les Mineros ne gagnent plus. Certes, le club a connu quelques départs, notamment le duo Cecilio Waterman – Alejandro Camargo, et finalement peu d’arrivées, mais la machine peine à se remettre en route et les ambitions seront mesurées, une troisième place pouvant déjà sonner comme une victoire. Les habitués de football sud-américains seront cependant ravis de retrouver Leo Valencia, même si ses débuts en Libertadores devraient être retardé par une blessure au mollet, ou encore l’ancienne promesse de la Cátolica, César Munder, toujours capable de dynamiter des défenses adverses.

À côté des Mineros, deux équipes bien plus ambitieuses et bien mieux armées. Première des deux, Talleres, la SAD qui ne voulait pas le dire. Javier Gandolfi parti en fin de temporada 2023, Walter Ribonetto a pris le relai sans que cela ait impacté les résultats. Comme toujours, l’intersaison a été celle du remue-ménage – on n’est pas une plateforme de passage de joueur sans conséquences – mais si les Rodrigo Garro et autre Rodrigo Villagra sont partis, la T reste donc performante. Suffisamment en tout cas pour viser la deuxième place du groupe et espérer bousculer São Paulo lors de sa vue en Argentine. L’autre ambitieux se nomme Barcelona. Dirigés par Diego López depuis le départ de Fabián Bustos en milieu d’année dernière, les Toreros ont vu leur effectif être très remanié, avec quelques arrivées intéressantes comme Franklin Guerra, Mathias Suárez, Dixon Arroyo ou encore Djorkaeff Reasco et Joao Rojas et connaissent un début de saison des plus compliqué. En championnat, Barcelona n’a gagné qu’un seul de ses quatre matchs disputés et a vécu un mois de janvier compliqué sur le plan institutionnel, son conseil d’administration n’étant pas reconnu avec pour conséquence, une menace de ne pas pouvoir prendre part aux compétitions dans lesquelles le club était engagé. Une solution a donc été trouvée avec le ministère des sports, la fédération et la CONMEBOL, reste à véritablement lancer sa saison pour enfin se concentrer sur le football.

Groupe C : Grêmio, Estudiantes, The Strongest, Huachipato

Et si le Groupe C était celui qui pouvait mettre l’ogre brésilien en danger ? Vice-champion du Brésil l’an passé, le Tricolor de Renato Gaúcho a certes perdu son buteur clé, Luis Suárez, mais est allé chercher plusieurs valeurs sûres expérimentées, comme Diego Costa, Cristian Pavón ou Agustín Marchesín, ou plus jeunes comme Du Queiroz. La recette fonctionne, même si Grêmio a perdu le premier Gre-Nal de l’année, et le club est à quatre-vingt-dix minutes d’aller chercher un quarante-troisième Gaúcho, le sixième consécutif. Difficile de faire trembler cette machine ?

Attention tout de même. Car l’adversaire numéro 1 se nomme Estudiantes. Ajouté à l’ADN continental du club, les Pinchas peuvent s’appuyer sur un entraîneur de talent, Eduardo Domínguez, qui a su leur donner une véritable identité de jeu, des joueurs d’expérience, à commencer par l’immortel Enzo Pérez et un effectif plutôt homogène, même s’il est vrai que le départ de Benjamín Rollheiser se fait ressentir et que les performances depuis un bon mois sont en chute libre (quatre défaites de rang et un traumatisme psychologique avec le malaise de Javier Altamirano à digérer). Reste qu’Estudiantes est toujours dans le coup en Copa de la Liga, même si plus maître de son destin, et sera à n’en point douter un véritable danger pour les autres membres du groupe.

D’autres membres qui peuvent jouer quelques mauvais tours. Après la crainte de se voir privé d’un nouveau titre en raison d’instances toujours aussi défaillantes, The Strongest a régné sans partage sur le championnat bolivien l’an passé, reléguant Bolívar à huit points. Pour 2024, Pablo Lavallén et ses hommes peinent quelque peu à véritablement relancer la machine, devancé dans son groupe par la sensation San Antonio Bulo Bulo, promu pour la première fois dans l’élite, mais a déjà réussi son premier grand rendez-vous en décrochant le clásico paceño face à Bolívar, infligeant au rival sa seule défaite de l’année. Sur le terrain, on croisera quelques visages connus du football sud-américain, de Guillermo Viscarra à Adrián Jusino en passant par Luciano Ursino, Diego Wayar, Bryan Angulo, Enrique Triverio et Rodrigo Ramallo. Pour espérer une performance dans ce groupe, les Atrigrados doivent apprendre à voyager, trois défaites l’an dernier sans marquer le moindre but, aucune victoire en déplacement depuis février 2017, et confirmer leurs belles performances de l’an passé à la maison (River et Fluminense étaient tombés à La Paz).

Dernier larron du groupe, la sensation chilienne 2023 : Huachipato. Les Acereros de Gustavo Álvarez ont profité de géants à la dérive et d’une série de sept matchs sans défaite dans le sprint final pour décrocher le troisième titre national de leur histoire là où personne ne les attendait. Le tout, sans déroger à la règle qui veut que le club s’appuie sur de nombreux jeunes. Place donc à la confirmation ? Comme toujours, Huachipato a été victime de son succès : Gustavo Álvarez a rejoint la U, emmenant avec lui l’excellent Gabriel Castellón, l’un des nombreux départs du club, et Javier Sanguinetti est donc arrivé pour reconstruire. Il s’appuiera donc encore sur quelques jeunes talentueux, de Martín Parra, vingt-trois ans, dans les buts, à Santiago Silva, dix-neuf ans, arrivé de Danubio au milieu, le tout encadré par l’ancien Sebastián Sáez, désormais trente-neuf ans, rare trentenaire de l’effectif (ils ne sont que trois, les deux autres étant Claudio Sepúlveda et Cris Martínez). Le début de saison est quelque peu mitigé, l’entrée en lice en Libertadores sera déterminante pour les ambitions des Acereros.

Groupe D : Liga de Quito, Junior, Universitario, Botafogo

Auteur de la dégringolade de l’année en Serie A brésilienne, bousculé par une politique de transferts qui l’aura appauvri en cours de saison au profit de la maison-mère Lyon, Botafogo est toujours un vaste chantier. Nommé en novembre, viré en février, Tiago Nunes n’a pas été remplacé au poste d’entraîneur, John Textor étant plus préoccupé par lancer des accusations de matchs truqués impliquant Palmeiras, Fortaleza et São Paulo. Rassurez-vous, le futur entraîneur est connu, Artur Jorge, qui viendra assister au premier match de Libertadores…depuis les tribunes. Difficile dans ce cas de voir où va (et où veut) aller Botafogo. Sur le papier la défense centrale et le gardien de l’an passé n’existent plus, les recrutements semblent n’être que des ajustements pour bon nombre d’entre eux, même si Alexander Barbosa et Jefferson Savarino devraient se frayer une place dans le onze. Reste que les vérités des premières semaines sont déjà précaires. Botafogo s’étant d’un côté frayé un chemin jusqu’aux groupes de la Libertadores en sortant notamment le RB Bragantino, mais sort d’un carioca plutôt raté, Botafogo s’étant retrouvé à jouer la Taça Rio, réservée aux équipes classées de la cinquième à la huitième place du championnat. Difficile d’y voir donc très clair.

De là à être en danger ? Possible. Car dans ce groupe, deux formations sont habituées aux joutes continentales et peuvent clairement bousculer le Fogão. Vainqueur de la Sudamericana 2023 et championne d’Équateur, la LDU a tout renversé sous le mandat de Luis Zubeldía. L’Argentin parti, place à Josep Alcácer et à quelques petites retouches dans un effectif qui n’a pas été grandement bousculé (signalons cependant le départ de l’icone Paolo Guerrero). Si la LDU a dû céder la Recopa pour un but au Maracanã face à Fluminense, son début de saison reste convaincant au point que les pensionnaires de la Casa Blanca sont un véritable candidat à l’une des deux premières places d’autant qu’il sera difficile de venir prendre des points à Quito. Autre danger dans ce groupe, Junior. Oubliez l’altitude de la Casa Blanca, prenez donc la chaleur étouffante de Barranquilla. Et ajoutez-y une équipe qui a remporté le deuxième semestre colombien et s’est renforcée durant l’intersaison. Arturo Reyes n’a pas vu son effectif perdre de grande valeur et s’est offert une grande profondeur d’effectif avec les retours de Victor Cantillo et Yimmi Chará. Sur le terrain, la saison démarre doucement du côté du Tiburón, Junior étant pour l’instant confortablement installé dans le top 8 du tournoi colombien où il se montre dans la difficulté lorsqu’il s’agit de voyager. Avec un déplacement sur les terres de Botafogo pour lancer sa compétition, il faudra veiller à inverser la tendance pour venir jouer pleinement le rôle d’outsider.

Reste un élément à ne pas trop vite écarter : Universitario. Car la dernière histoire continentale des Cremas, l’an passé, les a vus sortir de leur groupe de Sudamericana et tomber d’un rien face au Corinthians en barrages pour les huitièmes de finale. Désormais dirigé par Fabián Bustos, Universitario n’a rien perdu de sa superbe puisque le club est invaincu en 2024, sa dernière défaite remontant même à août 2023 au sommet des 3 000m de Tarna. Dans ses rangs, la U compte quelques joueurs confirmés, à l’image de l’immense Edison Flores et des valeurs sûres comme Cristofer Gonzales, de retour au pays, Aldo Corzo, le capitaine, Williams Riveros, déjà titré en Équateur et donc au Pérou. Elle dispose des armes suffisantes pour gratter quelques points, mais devra, comme son rival Alianza Lima, trouver la clé en déplacement : Universitario n’a plus marqué à l’extérieur en Libertadores depuis janvier 2020, soit une série de cinq matchs, et n’a gagné qu’un seul de ses quatorze derniers déplacements, c’était face au Deportivo Capiatá en 2017.

Groupe E : Flamengo, Bolívar, Millonarios, Palestino

Qui pourra empêcher Flamengo de régner sur le Groupe E ? Au coup d’envoi, la réponse semble difficile à trouver tant le Mengão fait figure de grandissime favori, même pour le titre final. Certes il y a l’affaire Gabriel Barbosa qui vient perturber quelque peu le club, Gabigol est suspendu deux ans pour avoir séché un contrôle antidopage. Mais sur le papier et sur le terrain, Flamengo est insubmersible. Depuis le début de l’année, la bande à Tite n’a pas encore connu la moindre défaite. Pire, Flamengo a littéralement écrasé le carioca, ne concédant même qu’un seul but en quatorze matchs et ayant déjà écrasé la finale aller face à Nova Iguaçu (3-0). Sur le papier, le groupe s’est encore renforcé avec les arrivées de Léo Ortiz et Matías Viña en défense et de Nico de la Cruz au milieu. C’est donc un monstre qui se prépare à marcher sur le groupe, même si face à lui se dresse quelques belles épines.

À commencer par Millonarios. La bande à Alberto Gamero ne semble par armer pour contester la première place, mais pourrait gratter quelques points au Mengão et surtout vise la deuxième place. Vainqueur de l’Apertura 2023, Millonarios a conservé son cœur défensif et a attiré quelques profils intéressants à l’image de Santiago Giordana, auteur d’une très belle saison au Pérou. Si le début de saison est assez moyen, Millonarios est pour l’instant neuvième en championnat, bien loin de ses ambitions de titre, là aussi, l’équation à résoudre sera celle des déplacements, même si le Millo est capable de coups, comme la victoire sur le terrain du Corinthians en 2018. Mais surtout, le club colombien se retrouve à faire face à deux équipes clairement à sa portée.

Auteur d’une grande campagne l’an passé sous la direction de Beñat San José, deuxième de son groupe devant Barcelona et le Cerro Porteño puis quart de finaliste après avoir éliminé l’Athletico Paranaense en huitièmes, Bolívar a tout de l’empêcheur de tourner en rond. Mais comme de coutume en Bolivie, tout a été reconstruit chez les Celestes. L’entraîneur espagnol a laissé sa place à Flavio Robatto, Diego Bejarana, Ronnie Fernández, Nicolás Ferreyra, Gabriel Villamil sont partis, les arrivées sont plus discrètes même si les retours au pays d’Erwin Saavedra et Henry Vaca sont de bonnes nouvelles. Sur le papier, Bolívar tourne à plein régime – même si la défaite lors du clásico passe mal – et l’Hernando Siles reste une forteresse quasi-imprenable (seul l’Inter s’y est imposé depuis mars 2021, tout le monde, sauf la Cátolica équatorienne, y a perdu). Autant dire que si comme l’an passé, Bolívar venait à décrocher une victoire en déplacement, la deuxième place lui serait assuré.

Reste enfin Palestino. Quatrième du dernier championnat chilien, le Tino retrouve ainsi la Libertadores après quatre années d’absence et après deux tours préliminaires qui l’ont vu écarter Portuguesa et le Nacional paraguayen. La bande à Pablo Sánchez part évidemment dans le costume de petit poucet du groupe et se présente avec un effectif qui n’a pas été significativement chamboulé, l’arrivée notamment de Gonzalo Sosa devant, après sa bonne saison à l’Audax, étant un joli coup. Sur le terrain, la recette fonctionne, seule la Cátolica s’étant imposé face à un Tino déjà troisième du général, à cinq longueurs des leaders actuels. Reste que la marche s’annonce assez haute en Libertadores, mais la troisième place à portée de main. Il faudra pour cela faire le plein à domicile.

Groupe F : Palmeiras, Independiente del Valle, San Lorenzo, Liverpool

Deuxième groupe dominé par un ogre brésilien, le F semble donc promis à Palmeiras. Cela fait quelques mois que l’on imaginait la fin du cycle Abel Ferreira à la tête du Verdão. Il n’en est rien. L’homme au plus de deux cent quarante matchs à la tête de l’équipe, qui a déjà décroché deux Libertadores, une Coupe du Brésil, deux Paulistas et deux titres de champion du Brésil est toujours là, il a même signé une prolongation d’un an, son contrat courant désormais jusqu’à fin 2025. La saison de trop donc ? Pas sûr. D’une part car son Palmeiras a peu bougé durant l’intersaison, s’appuyant sur un effectif qui n’est finalement pas si âgé, d’autre part car les résultats sont toujours là. Certes Palmeiras a perdu la Supercoupe aux tirs au but face à São Paulo, mais le double tenant du Paulista est encore en finale d’une compétition où il n’a pas encore perdu le moindre match avant la finale aller perdue 1-0 au Villa Belmiro face à Santos et qui a permis à José López, l’ancienne étoile de Lanús, de prendre véritablement ses marques. Une éclosion qui a permis à Abel de modifier son animation en plaçant notamment la menace Endrick dans un couloir et donnant du temps de jeu à Aníbal Moreno, au cœur du jeu d’un Verdão qui s’annonce encore très difficile à bouger.

D’autant que dans ce groupe, s’il y a un chasseur de géant, les deux autres membres semblent ne pas avoir de grands objectifs pour cette phase de groupes, préoccupés qu’ils sont par le quotidien. Du côté de San Lorenzo, le mode économie d’énergie et de ressources est activé depuis plusieurs mois et Rubén Darío Insúa ne cesse de multiplier les miracles avec un effectif limité qui s’appauvrit au fil des mercatos, faute de moyens. Le Ciclón tente quelques coups, comme le prêt de Cristian Ferreira ou les transferts de Sebastián Blanco, Cristian Tarragona, Diego Herazo ou Eric Remedi qui arrivent libres. Sur le terrain, les miracles de 2023 semblent oubliés, San Lorenzo navigue dans le ventre mou de sa zone en Copa de la Liga et ne brille pas par son jeu flamboyant. Mais lutte, comme toujours. Alors, il peut espérer dans l’ombre de Palmeiras. Car l’Uruguayen de groupe, Liverpool, n’est pas non plus au mieux. Le champion sortant n’a pas encore remporté le moindre match de championnat et se prépare donc à un premier semestre de digestion après avoir perdu de nombreux joueurs – pain quotidien du football uruguayen – et son entraîneur, parti au Mexique. Emiliano Alfaro a donc pris le relai, doit tout reconstruire et cela va demander un temps qu’un groupe de Libertadores ne laisse pas.

Reste donc le chasseur de géant : Independiente del Valle. Vainqueur de la Sudamericana 2022, tombeur de Flamengo en Recopa 2023, les Negriazules sont une valeur sûre du continent, une formation que personne n’aime croiser. L’ère dorée de Martín Anselmi est désormais terminée, Javier Gandolfi a pris place sur le banc sans pour autant que la machine ne s’enraye (IdV est toujours invaincu en 2024, à un point du leader du tournoi équatorien). Dans ses rangs, les regards se tourneront inévitablement vers la merveille nommée Kendry Páez, mais on suivra quelques arrivées intéressantes comme Renzo López ou encore les frères Ibarra, Renato et Romario, qui devraient apporter une touche d’expérience utile en compétition continentale. Ajouté à un groupe déjà plus que performant, IdV est tombé à la surprise générale en huitièmes de finale l’an passé face au Deportivo Perreira après avoir remporté un groupe dans lequel figurait Argentinos, le Corinthians et Liverpool, et vous comprendrez que le chasseur de géant est toujours aussi menaçant. Il est le principal candidat à la deuxième place dans son groupe.

Groupe G : Peñarol, Atlético Mineiro, Rosario Central, Caracas

Dernier brésilien du casting, l’Atlético Mineiro se retrouve dans un groupe à sa portée mais qui peut rapidement s’avérer piégeux. Le Galo vit un début de saison plutôt particulier. Après avoir initié sa saison avec Luiz Felipe Scolari, qui était arrivé au chevet du club en cours de saison dernière, l’aventure s’est terminée au lendemain d’une défaite sans conséquence en demi-finale retour du Mineiro. Alors c’est un nouvel Atlético Mineiro qui aborde la Libertadores, dirigé par un homme aux idées claires et qui peut lui instiller une véritable identité de jeu : Gabriel Milito. Sur le papier, l’effectif est de qualité, le duo Hulk – Paulinho reste redoutable, le retour à son niveau de Zaracho peut causer des dégâts et Milito dispose d’un groupe dense qui peut lui permettre de faire très mal. Il faudra cependant que la mayonnaise prenne très vite et que les dirigeants lui laissent un peu de temps. Mais le Galo pourrait venir bousculer quelques hiérarchies si tout se passe bien.

Reste que ce Groupe G est dangereux. Car si Peñarol est habitué à se saborder, la version début 2024 dirigé par Diego Aguirre (qui était à l’Atlético Mineiro il y a quelques années) fonctionne à plein régime. Les Carboneros n’ont pas perdu le moindre match officiel cette année et n’ont encaissé qu’un but au cours des cinq derniers matchs, dont le clásico du week-end dernier. Le groupe a forcément beaucoup bougé – Uruguay oblige – mais quelques arrivées ont déjà pris une grande importance, à commencer par Leo Fernández. On n’oubliera cependant pas les dernières campagnes continentales du Carbonero, notamment la dernière place avec zéro point l’an passé en Sudamericana dans un groupe loirs d’être insurmontable (Defensa y Justicia, América-MG, Millonarios) qui faisait suite à une dernière place en Libertadores 2021 dans un autre groupe à sa portée (Colón, Cerro Porteño, Olimpia), histoire de relativiser un peu l’excellent début de 2024 et rappeler que Peñarol doit avant tout retrouver son ADN continental pour espérer quelque chose dans cette épreuve.

Du côté de Rosario Central, l’ADN continental n’est pas au même rang mais la dynamique est bien différente. Certes les Canallas ne brillent pas par leur jeu, mais Miguel Ángel Russo ne cesse de faire des miracles avec une formation dont la campagne de Libertadores rime avec une obsession : faire revenir Ángel Di María. Pour cela, il faudra donc obligatoirement sortir du groupe. Afin d’y parvenir, Central dispose d’un joli mélange d’expérience, Jorge Broun, trente-sept ans, et Ignacio Malcorra, trente-six ans, en étant les plus beaux symboles, et de folle jeunesse, que Jaminton Campaz et Luca Martínez Dupuy représentent à merveille. La dynamique actuelle n’est pas folle, mais avec Russo à la baguette, nul doute que Central saura enflammer le Gigante de Arroyito et peut clairement lutter pour la deuxième place.

Reste donc le dernier larron du groupe, les Vénézuéliens de Caracas. Vice-champion 2023, le Rojo a bien d’autres chats à fouetter que la phase de groupes de la Libertadores. N’ayant gagné que deux petits matchs de championnat en dix sorties, malgré le retour au pays de Wuilker Fariñez, Caracas a vu son entraîneur, Leo González quitter son poste ce week-end et aborde donc la campagne de Libertadores sans entraîneur à sa tête. On pourra se rassurer en se souvenant qu’en 2022, personne n’avait gagné, ni marqué, à Caracas, mais l’espoir de réaliser quoi que ce soit s’annonce mince à l’heure d’aborder un groupe qui semble bien trop relevé pour le Rojo. À moins d’un accident.

Groupe H : River Plate, Libertad, Deportivo Táchira, Nacional

Reste donc l’un des rares groupes sans brésilien et donc, serait-on tenté de croire, bien plus ouvert. Champion 2023, le Deportivo Táchira d’Eduardo Saragó s’attend cependant à souffrir mais peut avoir une carte à jouer. La bande à l’exceptionnel Yerson Chacón a démarré lentement son année 2024 et veut se souvenir qu’il est habituellement difficile de se déplacer au Polideportivo de Pueblo Nuevo, plusieurs grands s’y étant cassé les dents ces dernières années (citons Olimpia et l’Inter en 2021 ou encore Independiente en 2022). À la condition d’y réussir un bon parcours, les Aurinegros pourraient bien tirer leur épingle du jeu.

Car du côté de Nacional, le début de 2024 sous Álvaro Recoba est assez mitigé. Le Bolso s’est arraché face à Always Ready pour se qualifier pour les groupes (aux tirs au but) et peine en championnat, n’ayant certes pas perdu, mais surtout peu gagné (deux victoires en six matchs). Il faut dire que là encore les départs ont été nombreux, les arrivées un peu moindres. On retrouvera cependant avec plaisir un Federico Santander toujours vivant mais au temps de jeu réduit, mais on suivra avec attention devant Ruben Bentancourt, le sosie officiel d’Edinson Cavani, qui sort d’une magnifique saison à Liverpool, et quelques maîtres à jouer nommés Mauricio Pereyra et Alexis Castro. Une chose reste certaine, quart de finaliste 2022 en Sudamericana, huitième de finaliste l’an passé en Libertadores, éliminé sans perdre par le futur finaliste, Nacional a clairement les armes pour sortir du groupe, et voudra sans aucun doute faire oublier la dernière venue du géant argentin qui est présent dans son groupe.

Avant d’évoquer River Plate, occupons-nous du cas Libertad. La saison dernière, la bande à Daniel Garnero a tout écrasé au pays et écrit l’histoire lorsque son entraîneur a quitté son poste pour se porter au chevet de la sélection et a laissé la place à Ariel Galeano, vingt-sept ans, et donc devenu plus jeune entraîneur à décrocher le titre dans toute l’histoire au Paraguay en seulement une cinquantaine de jours passés à la tête du Gumarelo. Galeano avait donc dirigé dix matchs, pour sept victoires et trois nuls avant de décrocher le titre. Sa formule fonctionne à merveille, Libertad a démarré 2024 en étant encore invaincu en dix sorties, dominant déjà le championnat avec dans ses rangs de vraies légendes, comme ses quarantenaires Martín Silva, Cristian Riveros, Roque Santa Cruz et Óscar Cardozo, et quelques promesses paraguayennes à suivre à l’image de Marcelo Fernández. Pour résumer, s’il est une formation armée pour bousculer les pronostics, elle se nomme Libertad.

Reste donc le cas du favori du groupe : River Plate. Favori car le Millo dispose du meilleur effectif d’Argentine et, sous le mandat de Marcelo Gallardo, a fait du continent l’un de ses territoires. Reste tout de même bien des dangers à éviter pour une équipe à l’équilibre précaire. Si le championnat et notamment sa zone de Copa de la Liga lui permet de gérer tranquillement sans avoir à forcer, le River Plate de Martín Demichelis peine à convaincre, tant dans son jeu, que finalement dans ses résultats. Sorti sur une improbable séance de tirs au buts l’an passé, River doit non seulement sortir de ce Groupe H mais surtout le remporter avec la manière pour s’acheter du calme. Il peut évidemment s’appuyer sur cet effectif totalement fou, même si Demichelis sera obligé de faire jouer Claudio Echeverri si le club veut en profiter avant qu’il aille garnir les rangs d’une filiale du City Group, voire de Franco Mastantuono, son autre pépite. À leur côté, des cadres rompus aux joutes continentales, de Franco Armani à Miguel Borja en passant par Nacho Fernández, Esequiel Barco pour ne citer que quelques exemples. À suivre avec attention dans ce River, les Uruguayens Nicolás Fonseca et Sebastián Boselli. Sur le papier, le Millo ne doit avoir aucune concurrence dans un groupe sans géant brésilien. À lui de confirmer ce statut.

 

Photo une :  CARL DE SOUZA/AFP via Getty Images

 

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.